Cette année un sujet du baccalauréat a porté sur le vapotage. Problème, il semble que pour avoir une bonne note il faille souscrire à de la fake science.

Rassurant. En lisant l’énoncé du sujet, on se rend compte que le niveau du baccalauréat est loin d’être aussi ridicule que ce que l’on peut entendre parfois. Ce 24 juin 2019, les élèves ont dû plancher sur la question du tabagisme avec le cas d’un monsieur X, gros fumeur avec des problèmes de santé qui se rend chez son cardialologue…

Comment avoir une bonne note ?

Le mécanisme du sujet est simple. Une petite introduction donne le contexte en s’appuyant sur les dernières données de Santé publique France, le vapotage est de plus en plus populaire, il permet à des fumeurs d’arrêter facilement. Plutôt bien, même si on peut s’étonner de lire que la vape contient « moins » de produits cancérigènes alors que l’Institut National du Cancer (INCa) est catégorique sur le sujet : il n’y a AUCUN produits cancérigènes à des taux significatifs.

Monsieur X est donc un gros fumeur, il a quelques soucis, de gros antécédents dans sa famille, et il se rend donc chez son cardiologue. Vu la situation, celui-ci l’oriente vers un pneumologue. La cigarette est bien évidemment désignée comme le responsable probable des ennuis de santé de Monsieur X et le pneumologue lui « conseille de substituer la cigarette traditionnelle par la cigarette électronique ». Situation de plus en plus classique car les professionnels de santé sont de mieux en mieux documentés avec de nombreuses études qui ne cessent de sortir et qui rassurent.

La suite du sujet propose quelques données d’une étude réalisée en 2015 par une université du Maryland sur la cigarette électronique et le système immunitaire. Toute l’étude n’est pas fournie. Seules sont indiquées les conclusions à charges qui « démontrent » que le vapotage rend (en fait une souris) plus fragile et plus susceptible de contracter le virus de la grippe.

On aimerait savoir comment l’élève du baccalauréat peut obtenir une bonne note sur cet exercice. Quel est le barème ? Est-ce qu’il faut émettre des doutes sur le bien fondé des recommandations du pneumologue ? Est-ce que si l’élève a une connaissance plus profonde du sujet et des études sur le vapotage, qu’il se met à critiquer les conditions de l’étude, sera t-il bien noté ?

L’étude

J’ai contacté Claude BAMBERGER, président de l’Aiduce, pour avoir son avis. Il m’a rapidement répondu en me signalant que l’info est sortie sur Twitter où il a réagit, également avec Philippe POIRSON (Helvetic Vape / Sovape). Les échanges se trouvent ici.

Datant de 2015, l’étude est très ancienne à l’échelle de la vape. Elle avait déjà été très critiquée à sa sortie et aujourd’hui elle apparait comme un des exemples les plus frappants de recherches menées avec de nombreuses erreurs et conduisant à des conclusions farfelues. Je cite le retour de Claude  :

  • exposition sans rapport avec la réalité : 6 bouffées de 2s par minute pendant 2x1h30/j>1000 bouffées/j pendant une semaine, les souris ne sont pas des hommes et même pour des hommes c’est beaucoup
  • surchauffe (pas directe mais par vape à vide, imagines 180 bouffées par jour sur une cigalike et ils remplacent les cartouches quand le débit n’est plus là) notée par les expérimentateurs eux-mêmes
  • le tuyau est trop long, la vapeur se condense dedans à cette taille-là
  • rien ne sert même de discuter le résultat en soit puisqu’elles n’ont pas vapoté mais ont été gazées par la bourre du cartomizer brûlé

EDIT : Et je cite Philippe qui a réagit à la lecture de cet article : « Si j’ose 2 remarques sur les conditions de l’étude maryland 2015 « surchauffe (pas directe mais par vape à vide, imagines 180 bouffées par jour sur une cigalike et ils remplacent les cartouches quand le débit n’est plus là) notée par les expérimentateurs eux-mêmes » > c’est pire que ça, ils ne changeaient la cartouche de liquide qu’une fois par semaine, sauf lorsqu’ils s’apercevaient que le débit baissait (c’est à dire que la res était morte) + on voit sur la photo de l’étude que la machine à fumer modifiée pose les cigalike Njoy à l’horizontale sans mouvement >> même encore en partie pleine, il y a déjà des parties des res qui sont mal irriguées en liquide et donc début de dry-hit. Les auteurs eux-mêmes s’étonnent de trouver des éléments liés à la combustion, mais ils n’ont pas remis en cause leur protocole !

Évidemment, tous ces « détails » n’ont pas été communiqués aux candidats du baccalauréat pour se fonder un avis plus juste et honnête et qui aurait été justement d’approuver la décision du pneumologue plutôt que de la mettre en doute, ce qui semble être attendu pour recevoir une bonne note.

Grave, très grave…

Ce que le sujet du baccalauréat n’indique pas en introduction sur les données de Santé publique France, c’est que de 2014 à 2017, la perception du risque du vapotage s’est dégradée dans la population. Plus 10%, soit désormais plus de 50% de la population pense que la vape est au moins aussi nocive que la cigarette, voire plus. La distorsion avec la réalité des connaissances médicales et scientifiques est désastreuse. L’agence a timidement accusé la presse « sensationnaliste » alors que les associations se sont permis de souligner aussi et surtout la responsabilité des pouvoirs publics : communiqué de SOVAPE. Ce drame sanitaire occupera d’ailleurs une large place dans le prochain Sommet de la Vape que l’association organise le 14 octobre prochain à Paris.

Que penser alors de ce sujet de baccalauréat qui, non seulement diffuse de la fake science (par omission de détails et de points de vue) mais qui en plus jette l’opprobre sur la pratique d’un pneumologue qui a eu l’outrecuidance de conseiller à un gros fumeur malade de se mettre au vapotage ? Comment les médecins et leurs sociétés savantes apprécient cette situation ? Qui est à l’origine et qui est responsable de cette opération volontaire de désinformation sur un public étudiant destiné peut-être demain à devenir professionnel de santé ?

A force de les répéter, les mots perdent de leur poids. Dans la vape en particulier. Mais comment le dire autrement ? C’est un scandale.

>> Téléchargement en .pdf de sujet du baccalauréat technologique – Sciences et technologies de la santé et du social – Biologie et physiopathologie humaines.

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