« La vapoteuse en 10 idées reçues », voilà le titre d’un magazine grand public sur numéro du mois d’août. Des info sur la vape, forcément ça m’intéresse. Et je ne vais pas être déçu !
C’est la ligne éditoriale du magazine Ça m’intéresse. Parler de tout et de rien. Faire des « points » sur des questions si possible facteur « d’audimat » et donc de tirage. Articles courts, faciles à lire, vulgarisation. Le concept fonctionne depuis des années. 1981 exactement. Autant dire que Ça m’intéresse est un magazine populaire, tirage selon les derniers chiffres de l’ACPM, un peu plus de 200 000 exemplaires. 50e position de la presse magazine, c’est moins bien que TV magazine (N°1) ou Paris Match (N°14), mais c’est mieux que Gala (N°52) ou Marianne (N°71). Bref, Ça m’intéresse est un poids lourd de la presse française qui appartient au groupe allemand PRISMA PRESSE.
Donc forcément la publication d’un article dans son numéro du mois d’août sur la vape ne sera pas neutre compte-tenu du lectorat et sur le bouche à oreille qui en découle. La journaliste Sophie COUSIN, spécialiste santé – titre fièrement « La vapoteuse en 10 idées reçues », tout un programme, car effectivement les idées reçues sur la vape, y’en a un sacré rayon. Va t-elle nous épater ?
Vapoter est moins nocif que fumer – VRAI
Yeah ! Ça commence bien. Même si la journaliste envoie immédiatement du conditionnel dès sa première phrase, c’est dit. Etat de santé des vapoteurs, plus de goudron… Tout va bien.
Entrée en scène du Pr Bertrand DAUTZENBERG, défenseur reconnu du vapotage, plutôt rassurant pour le lecteur érudit. Celui-ci nous apprend qu’il y a dix fois moins de formaldéhyde, ça me parait beaucoup, mais peut-être que la journaliste a mal noté.
Le paragraphe fini sur un tâcle concernant la nicotine, bhou c’est toxique selon l’ANSES. Alors peut-être, mais il eut été utile de préciser que tout est histoire de dose. Bref. Voyons plus loin…
On ne sait pas ce qu’il y a dedans – FAUX
Très bien !
Le Pr DAUTZENBERG intervient à nouveau, explications claires. Il parle de la norme AFNOR (sans la citer), c’est rassurant, même si tous les fabricants n’y sont pas, c’est effectivement devenu un référentiel vertueux. Ici, il précise la dose de nicotine. Maximum 2%. À cette dose évidemment, elle n’est absolument pas toxique.
La journaliste finit en indiquant que l’ANSES répertorie tous les eliquides du marché, par contre elle fait erreur quand elle indique que l’organisme les étudie. Non. Aujourd’hui, on n’en est simplement à une procédure déclarative et taxative (au passage). Il eut fallu, pour être mieux renseignée sur ce genre de sujet, prendre la peine d’appeler la fédération professionnelle FIVAPE, ça ne doit pas être compliqué de trouver le contact sur leur site Internet…
On ne connait pas ses effets à long terme – VRAI
Aïe ! On attaque sur les sujets qui fâchent…
Toxicité chronique, effets cancérogènes, effets sur la reproduction… L’ANSES précise qu’il n’y a pas de recul « pour conclure ». Ceux qui s’intéressent au sujet savent qu’aujourd’hui aucune étude n’a pu étayer ces « suppositions ». Pas plus d’ailleurs, que savoir si la vape rend aveugle, sourd ou cul-de-jatte, sait-on jamais…
Et là ! Entre en scène le fameux Docteur Ivan Berlin ! L’homme qui depuis des années nous promet le grand soir, c-a-d nous révéler (enfin) si la vapoteuse est utile (on en reparle juste après…) Pour sa première apparition dans le papier, il envoie du lourd en nous expliquant que l’on saura bientôt la fréquence des problèmes cardio-vasculaires, des pathologies pulmonaires et des cancers chez les vapoteurs. Pour Ivan, il n’y a même pas de doute, la vape rend malade, la seule inconnue c’est la fréquence. En trois mots, et dès sa première intervention – c’est entre guillemets, donc c’est bien lui qui parle – le Dr Ivan BERLIN commet une infraction manifeste au code de la santé publique (Art.13). Pour en savoir plus sur le sujet, ici rappel de l’affaire du Dr Brigitte MILHAU.
Elle aide à arrêter de fumer – VRAI et FAUX
Les choses commence à se gâter…
Faudrait être clair, la vape aide ou n’aide pas ! Pour répondre à cette question fort légitime et tout à fait importante, la journaliste se tourne vers les autorités de santé. En l’occurence, SPF – Santé Publique France – et son fameux Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire. Et là, forcément, elle tombe sur le papier publié (étrangement en plein Mois Sans Tabac 2017) qui raconte que ça ne marche pas. Tout juste, les fumeur réduisent t-ils leur consommation. Je comprends maintenant, finalement depuis 5 ans, je n’ai pas arrêté de fumer, j’ai juste réduit de 100% ma consommation de cigarettes !!
Le Pr DAUTZENBERG signale quand même que c’est l’outil le plus populaire en France pour arrêter de fumer. Ça aussi, c’est Santé Publique France qui le dit. Vraiment bizarre pour une solution d’aide qui ne marche pas…
Du côté du Dr Ivan BERLIN, ça déglingue sec, la journaliste à trouvé le bon client pour son angle à charge. Il affirme ne pas avoir suffisamment de « preuves » pour conseiller la vape à ses patients. Les pauvres, dites-leur de fuir son cabinet ! Et il nous rappelle qu’il est à l’œuvre sur sa fameuse étude qui va enfin nous révéler « l’utilité » de la vapoteuse pour arrêter de fumer… en 2022. Il est utile ici de rappeler dans quelles conditions étaient prévue cette fumeuse étude ECSMOKE il y a déjà deux ans. Juste pour mesurer le niveau de compétence sur la vape d’Ivan BERLIN qui s’auto-proclame spécialiste !
Elle provoque une dépendance – VRAI
Addiction ou dépendance, faire la différence…
C’est justement le sujet que j’ai demandé à Jacques LE HOUEZEC pour le prochain N°8 du magazine VAPYOU que je lancerai à la rentrée. Et la journaliste ferait bien de faire comme moi. S’adresser aux spécalistes ! Jacques est LE scientifique référent de la nicotine en France. Et il aurait certainement répondu avec beaucoup plus de précision à cette question, notamment pour éclairer sur la différence entre une addiction et une dépendance. Avec une addiction on se fait du mal. Pas avec une dépendance. Et sortir d’une dépendance, c’est plus facile que sortir d’une addiction.
Bref… Mauvais point pour le Pr DAUTZENBERG qui nous fait sa danseuse à propos de la Juul, cette vapoteuse américaine aux sels de nicotine, qui taille des croupières à l’industrie du tabac et qui permet surtout aux fumeurs de sortir beaucoup plus facilement de leur tabagisme. En France, à cause de la Directive Européenne, le taux de nicotine maximum est de 20 mg/ml, c’est une hérésie, sans aucun fondement sanitaire, anxiogène et qui rend beaucoup plus difficile le sevrage pour de nombreux fumeurs.
Elle incite les jeunes à fumer – VRAI et FAUX
Fantasme quand tu nous tiens…
Je connais bien le Pr DAUTZENBERG et je sais qu’il est intarissable et totalement convaincu sur le sujet. Bizarrement, aucune citation par la journaliste. Il lui en a forcément parlé, avec ses enquêtes Paris Sans Tabac qui démontrent que les jeunes fument moins depuis que la vape est dans le paysage.
Alors la journaliste nous sort une liste à la Prévert de tous les arguments et « junk science » qui alimentent ce fantasme. Cherchant même dans le paquet neutre ou l’augmentation des prix des justifications qui aujourd’hui ne sont absolument pas corrélées. En bonus final, on a droit à la crème brûlée pour une attaque frontale envers les professionnels de la vape pour qui les jeunes seraient la « cible marketing privilégiée ». On les laissera apprécier et éventuellement réagir auprès de la direction de Ça m’intéresse…
C’est le premier pas vers le cannabis – VRAI et FAUX
Alors là, c’est le pompon !!!
C’est une exclusivité Ça m’intéresse, la vape est une passerelle vers le cannabis. Le Pr DAUZENBERG s’emmêle un peu mais affirme heureusement qu’il n’y a aucun lien de causalité. Par contre, le Dr Ivan BERLIN dérape complètement en affirmant que la nicotine rend le cerveau plus vulnérable à d’autres dépendances. Honteux !
Pour rappel, de nombreux jeunes deviennent fumeurs de cigarettes simplement parce qu’ils se sont mis à fumer occasionnellement quelques joints. Or quand on fume des joints, on fume des clopes, et paf !! Quand on sait ça, on comprend mieux l’empressement des buralistes à vouloir commercialiser le cannabis, une nouvelle opportunité économique, mais surtout, une nouvelle opportunité pour faire fumer les jeunes et entretenir le cheptel de fumeurs…
Ha ! Si l’intelligence frappait un jour nos autorités de santé, non seulement pour légaliser le cannabis, mesure de salubrité publique défendue bec et ongle par les associations RdR, mais aussi pour recommander l’utilisation du vapotage pour sa consommation…
Le vapotage passif est dangereux pour l’entourage – VRAI
Fake news !!!
Encore un fantasme. Les déclarations de l’ANSES sont totalement délirantes. A nouveau, si la journaliste avait contacté Jacques LE HOUEZEC ou les associations de la vape, elle aurait eu des réponses solides. Le sujet est également abordé dans le prochain VAPYOU N°8, voilà un copié / collé, comme ça, c’est clair !!
L’Institut national pour la santé et la sécurité au travail américain (NIOSH) a conduit des mesures de l’air dans des conditions extrêmes d’un magasin de vape spécialisé. Les concentrations des substances potentiellement problématiques se sont révélées soit indétectables soit inférieures aux niveaux d’exposition limite. Les concentrations de formaldéhyde et d’acétaldéhyde étaient semblables à celles observées dans les maisons américaines typiques. Voir l’étude : https://www.cdc.gov/niosh/hhe/reports/pdfs/2015-0107-3279.pdf
À nouveau Ivan BERLIN délire complètement avec ses positions de bigot hygiéniste. A savoir qu’aujourd’hui en France, à cause des mesures d’interdiction de vapoter, notamment au travail, non seulement des vapoteurs ont pu retomber dans le tabagisme, mais aussi, renvoyés dans les espaces fumeurs, ils subissent un tabagisme passif qui lui, est clairement avéré.
C’est le nouveau gadget du lobby du tabac – FAUX
Ouf ! Mais…
Que c’est mal expliqué. Pourquoi la journaliste n’a pas contacté les pro de la vape pour avoir un point de vue vraiment éclairé, recueillir les raisons profondes de l’état du marché en France, cette relation vertueuse de confiance / vigilance qui s’est établie entre les consommateurs et les fabricants.
Et pourquoi parler du tabac chauffé comme un produit de la vape, alors que ça n’a rien à voir. Ce sujet qui porte à de nombreux débats ne peut être traité ainsi en deux lignes et au risque de créer un amalgame trompeur qui fait le jeu de l’industrie du tabac.
Elle coûte moins cher que la cigarette – VRAI
Oui, c’est à peu près vrai…
Par contre gros doute sur la motivation des fumeurs. La vape est d’abord et avant-tout une alternative qui permet d’envisager de sortir du tabagisme. Aller chercher une vague étude d’un magazine pour en ressortir que l’aspect pécuniaire est la première des motivations est complètement réducteur. J’invite la journaliste à visiter les groupes Facebook Vape Info Service ou Je Ne Fume Plus ! pour constater à quel point les fumeurs ont d’abord, et premièrement, envie d’arrêter de fumer !
En tout cas oui, vaper, accessoirement ça coûte à priori moins cher que fumer des cigarettes. Mais ce n’est pas totalement vrai pour ceux qui fument du tabac à rouler, et encore moins pour ceux qui se le fournissent à l’étranger, un effet de bord qui s’accentue avec l’augmentation des prix du tabac en France. Signalons aussi que la réglementation qui impose des flacons de 10 ml maximum pour les liquides à vapoter contribue à maintenir un prix élevé qui pourrait beaucoup baisser si les fabricants pouvaient conditionner des volumes supérieurs.
Banderille finale
Le magazine Ça m’interesse signe donc un pamphlet cousu de fake news sur la vape.
Pour parfaire le tableau, on relève également les références en fin d’article, et en particulier l’émission XENIUS de ARTE. Tout est dans le titre « La cigarette électronique, un danger réel pour la santé« . A l’image donc de cette double page à charge sur la vape. Bravo à la journaliste Sophie COUSIN, grâce à vous, cet été, de nombreux fumeurs seront effrayés et ne tenteront pas l’expérience de vapoter pour essayer d’arrêter de fumer. Un sur deux mourra de son tabagisme. 73 000 morts par an.
A toutes fins utiles, la prochaine fois qu’on vous commande une pige sur le vapotage, adressez-vous aux spécialistes, les professionnels de la FIVAPE, l’association des consommateurs AIDUCE, ou encore l’association SOVAPE. Vous accéderez à des ressources honnêtes et des carnets d’adresses bien remplis de vrais spécialistes.
Merci à Marion qui m’a transmis cet article de Ça m’intéresse.
Merci à vous pour nous avoir informé de cet article encore une fois à charge, nous sommes déjà plusieurs à avoir été leur dire notre avis sur leur page facebook notamment .
Bravo. Super analyse. En tant que bi (vapoteur et fumeur) (sic) je suis d’accord avec tout ce qui est écrit.