Une nouvelle étude menée par des chercheurs britanniques tente de mesurer l’influence des discours des pouvoirs publics sur l’attitude des fumeurs vis à vis du vapotage pour tenter d’arrêter de fumer. Une explication possible de la hausse du tabagisme en France ?
Tiers de confiance. Le principe est simple. Plus une recommandation vous vient d’une « autorité supérieure », plus vous avez tendance à vous y conformer. Réflexe de confiance. Si un médecin recommande quelque chose, ses patients ont moins d’hésitation à essayer, voire ils essaient alors qu’ils n’osaient pas. A contrario, si un médecin déconseille, ses patients n’envisageront jamais d’essayer, voire renonceront même s’ils y pensaient. C’est pour ça qu’on retrouve souvent des « experts en blouse blanche » dans de nombreuses publicités. L’industrie du tabac s’est souvent servi de ce stratagème, arrivant même à faire croire que certaines marques étaient bonnes pour la santé (asthme) et en faisant parler de vrais médecins !
Quand on remonte d’un cran, les recommandations de sociétés savantes et d’organismes publics ont une influence encore plus grande puisqu’elles adressent justement les médecins. Quand on demande aux médecins de déconseiller quelque chose, forcément ce n’est pas très engageant.
C’est ce qu’ont tenté de mesurer des chercheurs britanniques avec une étude solidement menée. Ils ont cherché à savoir si les discours négatifs (évidement), mais aussi les discours seulement contradictoires des organismes de santé sur le vapotage pouvaient avoir une influence sur le comportement des fumeurs, à savoir être découragés d’essayer la cigarette électronique pour arrêter de fumer. Et avec pour conséquence un impact très négatif sur la santé publique car forcément moins de fumeurs qui essayent et idéalement qui réussissent à arrêter de fumer. Les « performances » du vapotage pour aider les personnes qui fument à arrêter de fumer sont connues et démontrées scientifiquement.
Résumé et conclusions de l’étude
L’étude est publiée ici : The Effect of Conflicting Public Health Guidance on Smokers’ and Vapers’ E-cigarette Harm Perceptions.
Les participants ont été répartis en quatre groupes. Chacun a reçu deux recommandations « d’organisations de santé publique ». Deux groupes ont reçu des recommandations cohérentes car identiques :
- Pour le groupe « négatif », une phrase de l’OMS : « Le risque des e-cigarettes dépend d’une série de facteurs, mais les e-cigarettes posent des risques clairs pour la santé et ne sont en aucun cas sûres.«
- Pour le groupe « positif », une phrase du Public Health England : « Même si les cigarettes électroniques ne sont pas sans risque, elles comportent une fraction du risque des cigarettes.«
- Le troisième groupe appelé « conflit » a reçu deux recommandations contradictoires, la négative et la positive ci-dessus.
- Et le quatrième groupe appelé « risque de fumer + conflit » a reçu également ces deux recommandations contradictoires mais avec en plus une information pour rappeler les risques de fumer : « Fumer des cigarettes traditionnelles est particulièrement nocif. Le tabagisme tue deux utilisateurs sur trois à vie. Les fumeurs peuvent s’attendre à mourir 10 ans plus tôt que les non-fumeurs.«
Les résultats indiquent que l’exposition à des messages négatifs et / ou contradictoires (conflit positif + négatif) influence négativement la perception des risques de méfaits du vapotage. Chez les fumeurs et chez les vapoteurs. Les fumeurs sont plus nombreux que les vapoteurs à être influencés négativement et l’information sur les méfaits du tabac n’y change rien (ils savaient déjà).
Les chercheurs concluent que les pouvoirs publics devraient tenir des discours consensuels et honnêtes. Ceci afin de ne pas décourager les fumeurs à essayer le vapotage pour essayer d’arrêter de fumer, dans l’intérêt de la santé publique dans sa lutte nécessaire contre le tabagisme. Pragmatique. Précautionneux.
Hausse du tabagisme en France
En Nouvelle-Zélande, où les pouvoirs publics mènent des campagnes de publicité dans tous les médias pour inciter les fumeurs à essayer le vapotage, le tabagisme a baissé de presque moitié en 7 ans. À lire ici, c’est spectaculaire : En Nouvelle-Zélande, le tabagisme s’est effondré de presque moitié ! Pourquoi ? En Angleterre, où le vapotage est également plébiscité par les pouvoirs publics, la prévalence tabagique est passé de 19,8 à 13 % entre 2011 et 2021, une chute de plus d’un tiers en 10 ans (voir ici).
En France, la prévalence tabagique est déjà beaucoup plus importante à la base, et avec une baisse aussi, dans une moindre mesure de 29,4 % en 2016 à 25,3 % en 2021. Mais il y a eu un effet yoyo. Après une baisse entre 2016 et 2019 (- 5,4 %), une hausse de 1,3 % est constatée en 2020 et 2021.
Les explications sont assez brumeuses à mon égard, Santé Publique France met tout sur le dos du Covid. Notons que la France est un des rares pays au monde où le tabagisme est reparti à la hausse, même si le Covid s’est pourtant bien répandu partout dans le monde ? Lire ici la publication de Santé Publique France : PRÉVALENCE NATIONALE ET RÉGIONALE DU TABAGISME EN FRANCE EN 2021 PARMI LES 18-75 ANS, D’APRÈS LE BAROMÈTRE DE SANTÉ PUBLIQUE FRANCE (.pdf).
Pourtant depuis 2018, la France a bien mis en œuvre « la seule solution qui marche » pour réduire le tabagisme, à savoir l’augmentation du prix des cigarettes qui est maintenant à 10€ le paquet.
Mais revenons à la question du vapotage. Jusqu’à 2019, une certaine « doctrine » s’était établie en France. Les pouvoirs publics affichaient un discours prudent qui consistait non pas à promouvoir la vape comme en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, mais au moins à ne pas décourager. Ces positions correspondent à une période où un dialogue, certes rugueux, mais était établi entre toutes les parties prenantes et avec une écoute sincère et constructive des pouvoirs publics : participations aux Sommets de la Vape en 2016, 2017 et 2019, groupe de travail vapotage à la DGS sous la direction du Pr Benoit Vallet très impliqué, invitation des citoyens à participer au Mois Sans Tabac avec la création d’un groupe auto-support dédié (qui a survécu en devenant INFO VAPE), il y a même eu un spot de pub Tabac Info Service pour la « cigarette électronique » (je viens de retrouver le lien : https://www.facebook.com/watch/?v=703879036446932), l’Académie de Médecine se prononçait régulièrement en termes positifs et rassurants, les avis de la Haute Autorité de Santé (HAS) et du Haut Conseil pour la Santé Publique étaient certes timides (ne pas décourager), mais pas négatifs, etc.
Et c’est aux environs de 2019 que ça a commencé à vraiment changer. Plus de dialogue à la DGS depuis l’arrivée d’Emmanuel MACRON en 2017, Santé Publique France est devenue de plus en plus timide sur le vapotage (fini la pub ou les projets autour de la vape). La crise EVALI – lire absolument les explications ici : Retour sur la vague de pneumopathies de 2019 aux USA (EVALI) – a été le point de départ de discours de plus en plus négatifs sur le vapotage. Et nous en sommes arrivé début 2022 avec un changement doctrinaire majeur qui s’inscrit dans le nouvel avis du HCSP, à savoir enjoindre les médecins à déconseiller le vapotage à leurs patients. On est passé de « ne pas décourager » à « déconseiller ».
On le voit de plus en plus intensément, tout ce qui relève de la réduction des risques (vape, puff, snus avec ou sans tabac, tabac chauffé…) subit un dénigrement systématique et avec un tel écho médiatique que ça interroge vraiment. Et il n’y a presque plus aucune info « positive » sur la vape. D’importantes études, même françaises sont glissées sous le tapis, INSERM, OFDT, INCa… ça « n’intéresse » pas la presse. On entend parler de la Nouvelle-Zélande, mais le volet vape de sa politique est toujours éludé. Idem pour les orientations régulièrement favorables des pouvoirs publics au Royaume-Uni, là-bas il y a des boutiques de vape dans des hôpitaux…
Qui manœuvre ? Avec quels moyens ? Dans quel but ?
En attendant des réponses, je ne peux que renvoyer au communiqué de presse de l’Association SOVAPE publié en octobre dernier suite à la 4e édition de son sondage avec BVA sur la perception des risques du vapotage par rapport à fumer et de la nicotine. A l’aune de l’étude britannique qui fait l’objet de cet article, il y a de quoi se poser des questions sur ce qu’il se passe en France et sur les conséquences, qui s’illustrent (déjà !!!) par la hausse du tabagisme depuis 2 ans :
Lutte contre le tabagisme : que fait le gouvernement ?
On a du mal à se dire qu’il y a une véritable action contre le tabagisme aujourd’hui en France. Comme on le voit, la doctrine a changé vis-à-vis de la vape et de la réduction des risques, les médecins sont pris en otage pour déconseiller au lieu de ne pas décourager. L’impact sur le nombre de fumeurs qui pourraient être mieux aidés à arrêter est indubitablement négatif.
Par ailleurs, le budget de financement de la sécurité sociale a été voté, il comprend une augmentation des rentes fiscales sur les ventes de cigarettes. Quand on dit budget, ça veut dire prévision, on compte dessus.
Une nouvelle augmentation du prix des cigarettes a été annoncée. Objectif 11€. Et ça se fera par « paliers » comme pour les 10€. Pour que les fumeurs s’habituent ? Rappelons que cette seule solution qui « marche » n’a justement pas marché (à part augmenter de plusieurs milliards les rentes fiscales).
Enfin, plusieurs dizaines de millions d’euros ont été attribués aux douanes pour lutter contre la contrebande et les achats transfrontaliers. En d’autres termes, ramener le maximum des ventes dans le réseau des buralistes et surtout la collecte des taxes, parce que l’État perd de l’argent…
En résumé, décourager l’usage du vapotage, taxer plus et tout faire pour que l’argent rentre mieux. C’est ça notre politique de lutte contre le tabagisme ?
Et dire que notre première ministre Elisabeth BORNE est vapoteuse, que l’ancien ministre de la santé devenu porte-parole du gouvernement Olivier VÉRAN est vapoteur, que le ministre du budget (!!!) Gabriel ATTAL est vapoteur, et même le président MACRON s’est affiché en photo avec une vape avant les dernières élections.
Les élites prennent donc « soin » de leur santé et utilisent la vape pour ne plus fumer, et tant que les gueux continuent eux à fumer et à payer des taxes, tout va bien. Ça questionne vraiment sur ce qui anime vraiment ces gens-là.