On la croyait enterrée sous les foudres des critiques des spécialistes. Mais non, l’étude ECSMOKE aura bien lieu et elle pourrait bien tuer la vape en France…
Les vapoteurs, les associations, les fabricants, les commerçants, les professionnels de santé… Tout le monde est d’accord, on veut des études sur la vape ! On sait que ça marche. On sait que c’est moins nocif que le tabac, mais on veut creuser pour améliorer les produits, les débarrasser d’éventuels défauts et améliorer les performances. L’annonce il y a trois ans déjà de l’étude ECSMOKE était donc, à priori, une bonne nouvelle. Malheureusement, en découvrant la méthodologie via l’appel d’offres, on a vite déchanté, et les spécialistes ont nourri de nombreuses critiques. Depuis… silence radio.
Mais aujourd’hui l’étude ECSMOKE ressort du bois via un communiqué de l’AFP. Lecture attentive, rien n’a changé. Information succincte, le nom du « patron » de l’étude n’est pas cité, on peut se demander s’il s’agit toujours du Dr Ivan BERLIN dont l’indépendance vis-à-vis de l’industrie pharma a été mise à mal ces derniers jours, surtout que l’étude ECSMOKE est sensée comparer les « performances » de la vape avec le médicament varénicline. On peut aussi lire ici quelques déclarations du docteur qui donnent le ton sur son avis concernant la vape et la nicotine.
ECSMOKE est une étude complètement biaisée
Les sujets du groupe « vape » n’auront pas le choix de leur matériel. Ils n’auront qu’un seul taux de nicotine (entre 12 et 16, donc pas accès au « maximum »). Et il n’auront qu’une seule saveur. Les trois paramètres essentiels, curseurs indispensables au « réglage » pour chaque nouveau vapoteur, sont fixés par les responsables de l’étude. Totalement hors de la réalité, rien à voir avec une pratique normale du vapotage.
Comment imaginer alors que les résultats soient crédibles et surtout positifs ?!
Par ailleurs, l’étude ECSMOKE veut jouer sur l’effet « placebo » en fournissant des e-liquides non nicotinés à deux groupes. Mais il suffira de deux clics sur Internet pour que les participants découvrent qu’ils n’ont pas de nicotine dans leur liquide, parce qu’ils n’ont pas de hit en gorge ! Et que dire de participants qui pourraient « tricher » et aller se fournir en boutique avec des eliquides avec de la nicotine ? Ça pourrait améliorer les performances du groupe placébo, voire du groupe médicament !!!
4 ans pour savoir (ou pas) ce que l’on sait déjà !
Le communiqué est désopilant. On sait qu’il y a 1,7 millions de vapoteurs en France. Et pourquoi ? Est-qu’ils tricotent avec leur vape ou est-ce qu’ils arrêtent de fumer ? Et bien l’étude ECSMOKE va nous donner la réponse… dans 4 ans ! On attendant on fait quoi ? On laisse planer le doute ?! On n’explique pas aux fumeurs, comme en Angleterre, qu’ils ont vraiment intérêt à essayer le vapotage pour arrêter de fumer ? L’étude permet donc aux autorités de santé de fixer un délais d’attente pendant lequel le déni reste la règle ? On se couvre…
Et le ponpon ! Citons le communiqué : « Outre l’efficacité du vapotage, l’étude tentera de mesurer les risques associés, notamment chez les plus de 45 ans, âge à partir duquel la majorité des fumeurs a déjà un trouble de santé lié à son tabagisme. »
On va donc « mesurer » les risques du vapotage sur des fumeurs !!!
Tuer la vape ?
À qui le crime profite ? À qui profite la désinformation qui va transpirer fatalement après les résultats de l’étude ECSMOKE qui contribue à maintenir le niveau de tabagisme ?
Fake science. L’étude ECSMOKE va coûter 900 000€ au contribuable. 900 000 € pour dézinguer la solution la plus efficace et la plus populaire aujourd’hui en France et certainement partout dans le monde.
Les acteurs de la vape, consommateurs, associations, fabricants, commerçants et professionnels de santé (honnêtes), ont donc 4 ans pour renverser la table !
EDIT le 31 octobre 2018 :
- Le Dr Ivan BERLIN reste bien le « boss » de cette étude. Voir la vidéo ci-dessous.
- Je suis loin d’être le seul à être agacé à la lecture de cet article de Jean-Yves NAU : Cigarette électronique, un million d’euros d’argent public au cœur d’une polémique.
EDIT le 2 Novembre 2018 :
L’hypothese des investigateurs est que la vape fait aussi bien que le traitement le plus efficace en monothérapie.
Il est très raisonnable que cela soit démontré malgré les impératifs d’un essai clinique randomisé qui est obligatoirement borné: on ne peut laisser une liberté de tout régler. .
La dose quotidienne de nicotine prise est totalement libre alors que celle du comparateur ne l’est pas .
Un essai clinique n’est jamais conforme à la réalité du traitement quotidien.
En tout état de cause cet essai montrera la bonne tolérance et l’ecig avec nicotine aidera a priori mieux que ecig sans nicotine à quitter le tabac.
Merci de garder votre mauvaise humeur pour critiquer dans 2 ans les résultats s’ils ne vous plaisent pas.
Dire que l’essai veut tuer la vape est strictement contraire à la vérité et relève plus du dénigrement que de l’information journalistique.
Bonjour Professeur,
Ici, je ne fais pas du journalisme mais de l’opinion, dans ce cadre je m’autorise des positions tranchées, et je conçois même qu’elle puissent déplaire. Le relief a aussi parfois pour objectif de faire réagir. Je le vois donc…
L’hypothèse est : « fait aussi bien », tout est donc dit ! Vous savez comme moi, empiriquement, les performances de la vape. Comme je l’explique, les impératifs de l’essai clinique ne pourront même pas être respectés. L’effet placebo sera immédiatement détecté par les participants.
Je ne suis pas de mauvaise humeur. Je suis écœuré de tant de dépenses publiques (900 000€ !) pour une étude qui n’a aucun sens, bourrées de biais, qui ne révèlera rien et qui ne fera qu’entretenir une suspicion et des doutes que nos autorités de santé devraient avoir levé depuis bien longtemps, comme leurs homologues anglais. Il y aurait tant d’autres études et actions à mener autour du vapotage pour le rendre encore plus performant et en faciliter l’accès (injonctions officielles) afin de réduire vraiment le tabagisme en France.
Le mot « tuer » n’est pas fortuit, l’inaction et les erreurs tuent. Les tenants et aboutissants de cette étude posent question(s), comme le souligne à plusieurs reprises le Dr Jean-Yves Nau dans ses articles, dans une une démarche qui elle est journalistique, il parle de conflit d’intérêt, je ne fais que le lire. Il est regrettable qu’aucune des nombreuses voix critiques n’ait été entendues. L’écoute n’est d’ailleurs plus à l’ordre du jour. Le Groupe de Travail Vapotage à la Direction Générale de la Santé était destiné à ce genre d’échanges sur le fond. Il n’existe plus.