Moins 10% sur les ventes de tabac ! Mais y’a t-il autant de fumeurs en moins en France ?
L’info sort dans les médias depuis début janvier, les ventes de tabac ont fortement baissé. On parle des ventes chez les buralistes. En matière de communication, le raccourci est très facile : moins de ventes de tabac, moins de fumeurs. Mais est-ce vraiment la réalité ? Est-ce que le prix des cigarettes peut et doit être le seul outil pour réduire le tabagisme en France ?
Comment se répartie la baisse des ventes de tabac
Moins 10% sur les ventes de tabac, ça ne veut pas dire moins 10% de fumeurs. Même si les pouvoirs publics font tout pour manipuler l’opinion et le faire croire. La baisse des ventes se répartie en trois catégories. Bien entendu, l’omerta sur les données ne permet pas d’avoir une ventilation exacte, mais au « doigt mouillé », on ne doit pas être loin de trois tiers.
Contrebande et achats transfrontaliers
Ce sont les buralistes (business oblige) qui dénoncent avec le plus de véhémence ce phénomène. Évidement, avec le prix des cigarettes, c’est du pain béni pour les trafiquants, une partie des ventes doit donc se transférer naturellement vers le marché noir.
Concernant les achats transfrontaliers, aucun doute. Par exemple, les ventes de tabac augmentent au Luxembourg. Qui sont les clients ? Les français évidemment !
Moins fumer pour moins dépenser
Les paquets de cigarettes sont passés d’env. 7 à 8€, soit une augmentation de 15%. Quelle est la solution pour ne pas augmenter son budget clopes ? Fumer moins ! Au lieu d’un paquet de 20 clopes par jour, passer à 17. Ce phénomène est complètement passé sous silence alors que c’est une démarche très courante.
Malheureusement, fumer 17 clopes ou 20, pour la santé, c’est exactement pareil. Et avec le temps, progressivement, le fumeur reviendra doucement sur son paquet.
Arrêter de fumer
Vouiiiiii ! Bien sûr, il y a des fumeurs qui décident d’arrêter motivés par le prix. Mais combien sont-ils vraiment ? Et surtout, comment font-ils. Ce serait intéressant, histoire d’aller chercher les bonnes pratiques et les diffuser largement dans la population.
Pour ça, le rapport tabac 2018 de l’OFDT sorti aujourd’hui nous donnent quelques explications. Bien sûr, la baisse du nombre de fumeurs est dû à l’augmentation des prix, mais aussi au remboursement intégral des substituts nicotiniques et à l’action de communication Mois Sans Tabac.
Et le vapotage ? Accrochez-vous !
Rappel. Santé Publique France avait publié l’an dernier des chiffres : le vapotage est le moyen d’aide le plus populaire quand les fumeurs choisissent une aide pour arrêter. 56% optent pour la vape et 38% pour les substituts nicotiniques.
Et bien pour l’OFDT, je cite « La baisse de la consommation de tabac ne semble donc pas être liée à l’augmentation du recours à ce produit. » Je cite encore « Le nombre de vapoteurs reste stable mais le marché de la cigarette électronique croît toujours » et encore » Toutefois, il est possible que les vapoteurs soient devenus de plus en plus exclusivement usagers de la cigarette électronique… »
Résumons. Le moyen le plus populaire choisi pas les fumeurs n’est pas la cause d’une baisse de consommation, ni de l’essor du marché. L’explication, c’est que les vapoteurs fument moins, ils vapotent plus. Ou comment tordre honteusement les données pour faire passer un message faux à la population : la vape, ça ne sert à rien !
Ventes de tabac et business du tabagisme : tout va bien
Arrêtons un peu de penser aux 73000 morts par an qui pourraient être évités. Les fumeurs d’aujourd’hui, c’est dans 20, 30 ou 40 ans qu’ils auront des problèmes. Alors il faut un peu se mettre à la place de nos gouvernants, leurs soucis à eux, c’est la politique maintenant, le budget maintenant. Et « maintenant », et bien tout va bien, c’est même du grand art :
- les rentes fiscales ont augmenté de 700 millions d’euros. Le rapport de l’OFDT confirme bien l’augmentation du chiffre d’affaires qui est étroitement lié aux rentes fiscales : « Resté relativement stable entre 2016 et 2017 en dépit du recul des ventes, le chiffre d’affaires global du tabac augmente nettement en 2018, s’élevant à 19 milliards d’euros (dont 15,6 pour les seules cigarettes) en raison de la hausse de la fiscalité (et des prix) intervenue début mars, qui comble très largement les baisses en volume. »
- les buralistes ont gagné aussi + 100 millions d’euros. La profession va très bien, après les pharmacies, les ambulanciers et les opticiens, c’est le commerce le plus rentable en France, avec des revenus qui progressent régulièrement.
- les ventes de substituts nicotiniques repartent à la hausse (voir aussi le rapport de l’OFDT). Gros soulagement pour la pharma après la chute des ventes de 50 % au moment de l’arrivée de la vape, l’hémorragie est enfin circonscrite
Pour le gouvernement tout est « moumoute ». Parfait pour la communication, on peut dire qu’il y a moins de fumeurs, que notre politique est efficace, qu’on est des « gens biens », on lutte ! Ça nous rapporte plus en rentes fiscales. Et on nourrit copieusement les deux lobbys qui se gavent sur le tabagisme, à savoir les buralistes et l’industrie pharma. Chapeau bas aux dernières déclarations du ministre DARMANIN, en clair, pour leur santé, les français devraient fumer le tabac des buralistes.
Et concernant l’industrie du tabac ? On s’arrange aussi. On leur a taxé 100 millions d’euros pour un fond tabac. Bien joué également, on en redistribue une partie aux anti-tabac qui valident et influencent pour que tout ce système reste à l’équilibre (chacun sa part du gâteau). Côté contrebande, les chiffres sont sortis aujourd’hui, les saisies ont augmenté de +15%, mais le tonnage global n’a progressé que de 1,2%. Objectif, traquer le trafic du quotidien, c’est assumé, aller gauler les petits fumeurs qui cherchent des clopes moins chères plutôt que s’attaquer aux filières organisées derrière lesquelles on retrouve les usines de l’industrie du tabac.
On pourra enfin admirer l’art de la diplomatie avec Andorre, où pour « lutter contre les trafics », les prix du tabac seront désormais soumis à un tarif minimum : pas plus de 35% moins cher qu’en France. C’est pas une blague. Le président Macron est un des co-princes, donc si la volonté était vraiment de juguler le trafic, les prix seraient indexés sur la France. Quel intérêt ? On se demande…
Fumeurs : indispensables !
C’est pathétique. Les fumeurs sont indispensables à un système où les intérêts sont tellement croisés que la santé publique ne peut faire son œuvre.
Pour en revenir à la vape, c’est une chance inouïe. Une invention inespérée. Toutes les données concordent, sur la réduction des risques, sur l’efficacité, et aujourd’hui encore, on constate que tout l’establishment est en ordre rangé pour éviter qu’elle ne sauve trop de fumeurs, quitte à mentir à la population.
On consigne pour l’histoire, comme d’habitude.
On pourrait remarquer que la précédent augmentation comparable* (« le paquet à 5€ », +25%, 2003-2005) a produit aussi une baisse des ventes (~80Md à ~55Md, -30%), associée à une baisse de la prévalence (35% à 30-32%) rattrapée en 2010 malgré une hausse continue plus modeste (5,65€).
Cela pour ne pas prendre l’exemple* plus discutable (car accompagnée d’autres facteurs, comme simplement l’information des fumeurs concernant les risques) du doublement plus progressif de 1990 à 2000 (prix x2, ventes -10%, prévalence -5%, durable).
* sources OFDT/SPF
Et bien sûr ne parlons surtout pas de la vape qui a fait baisser consommation (-20%) et la prévalence (+1,1M d’ex-fumeurs) et les risques de ceux (2+M) qui baissaient leur consommation entre 2011 et maintenant… Mais l’OFDT ne mesurant pas les vapoteurs qui arrêtent de fumer (premier indicateur pertinent) ou baissent avec substitution (second indicateur pertinent) mais uniquement ceux qui continuent de vapoter avec ou sans nicotine on ne saura pas à cette source-là (dont la fiabilité est par ailleurs discutable vus les écarts croissants avec les autres évaluations).