À la clinique Saint-Clément, dans l’Héraut, la docteure / addictologue Sophie Captier-Valette et Laura Darrenougue ont monté un programme de lutte contre le tabagisme qui incorpore le vapotage.

C’est par l’intermédiaire d’une amie que j’ai eu l’opportunité de réaliser cette interview. Marion Mourgues a été responsable plusieurs années du Mois Sans Tabac pour la région Occitanie, elle m’a mis en contact avec Laura Darrenougue, enseignante en activité physique adaptée, qui m’a proposé de faire une visio avec elle et la docteure Sophie Captier-Valette. Elles exercent toutes les deux à la Clinique Saint Clément, c’est un USR (Unité de Soins et de Réhabilitation), un établissement psychiatrique qui accueille les patients pour des moyens séjours (plusieurs mois).

Merci à Sophie Captier-Valette et Laura Darrenougue d’avoir accepté cet échange. Pour ma part, j’ai été vraiment touché de leur obstination pour prendre soin. C’est leur métier bien sûr, mais sur ce qu’elle vont nous raconter, rien ne les oblige à en faire tant, et en plus à devoir se battre !

Le tabagisme en psychiatrie, c’est compliqué ?

Dr Sophie Captier-Valette : Actuellement, nous avons environ 70 patients à la clinique. 60 sont fumeurs. Ils fument du tabac parce que ça leur fait du bien, c’est une forme d’automédication. C’est la nicotine qui leur fait du bien. S’ils arrêtent, ça peut compliquer d’autres symptômes. Alors oui, la lutte contre le tabagisme est un gros problème en psychiatrie, il y a des résistances au niveau des soignants et de l’encadrement. La clinique est non fumeuse depuis seulement un mois, nous avons dû nous battre 4 ans ! Il nous avait déjà fallu deux ans pour obtenir un seul petit espace non-fumeur (pour les vapoteurs). Le tabagisme est un sujet qui me préoccupe depuis longtemps, dans les années 2000 j’avais monté un projet en misant sur les substituts nicotiniques. Les patchs n’ont jamais très bien marché chez ces patients là, les pastilles leur convenait mieux. Mais depuis que le vapotage est apparu, c’est un nouveau moyen qu’il faut utiliser.

Le vapotage est donc proposé à la clinique pour aider les patients qui fument ?

Laura Darrenougue : La mise en place a été très compliquée. Heureusement, le Mois Sans Tabac a provoqué un climat favorable et nous a permis enfin d’avancer. Marion Mourgues, qui était la responsable régionale de l’opération, nous a beaucoup aidés. Nous avons pu donner de l’élan à notre projet « Groupe oxygène » d’incitation et d’accompagnement au sevrage tabagique. Avec la docteure Sophie Captier-Valette, nous y travaillons depuis 2015. Et concernant spécifiquement le vapotage, ça nous a pris 18 mois pour sensibiliser les acteurs de l’établissement, vaincre les résistances et surtout obtenir des budgets.

En quoi consiste le programme concernant le vapotage ?

SCV : Nous répondons à une demande. Le patient est dans le souhait de réduire ou arrêter de fumer. Le groupe Oxygène est un groupe de parole inclue dans un parcours individuel. Ça commence par un entretien avec moi pour valider la démarche. Nous évaluons la dépendance au tabac et nous parlons de l’opportunité et du fonctionnement du vapotage. Il y a des questions de matériel et de gestion (recharge batterie, liquides) que le patient doit être prêt à comprendre et à pratiquer. Il y a une charte à signer, avec des engagements, sur la participation au groupe, les consultations médicales et une pratique sportive adaptée et régulière.

LD : La clinique a pu acheter 20 vapoteuses. Nous avons travaillé avec une excellente boutique de vape spécialisée [1] qui nous a aidés à choisir les matériels les plus adaptables selon le profil de fumeur, sans être compliqués, facilement démontables et rechargeables. Les patients qui entrent dans le parcours se voient prêter une vapoteuse, contre une caution de la valeur du matériel (60 €), et nous leur offrons une résistance neuve et une fiole de liquide (saveur tabac, en 6, 12, 18 ou 20 et en sels de nicotine). Ensuite ils rechargent comme ils veulent. On établi un contrat pour les suivre au plus près de leur évolution dans la réduction des risques avec un RDV toutes les semaines au groupe oxygène, une participation à une APA aérobie et une consultation médicale est établie tous les 15 jours.

Est-ce que ça marche, vous avez des résultats ?

SCV : À ce jour, les résultats ne sont pas mesurables. Nous nous sommes battues pendant presque deux ans pour mettre le programme en place, et le COVID est arrivé au démarrage. Nous avons donc pris du retard. Actuellement, nous avons validé le parcours pour 14 patients, 5 sont encore en cours et 5 ont acheté leur vapoteuse.

Acheter leur vapoteuse ?

LD : Le prêt dure trois mois, si les patients sont contents, ils peuvent garder le matériel et nous on garde la caution. Ça nous permet d’en racheter une nouvelle pour garder le nombre de notre stock. Sinon, ils peuvent nous rendre le matériel à tout moment si ça ne leur convient pas et donc on leur rend la caution, entière ou pas, selon l’état de rendu de la vape. Et, si ils souhaitent en acheter une différente, on les accompagne jusqu’au bout. D’ailleurs ça fait parti d’un accord avec la boutique de vape, nos patients bénéficient d’une réduction de 20 % (comme nous !).

Le programme a l’air d’être positif, est-ce que les résistances commencent à s’estomper dans l’établissement ?

SCV : Le programme est positif pour les patients, mais pas seulement. La dynamique a permis aussi de motiver trois soignants pour entrer dans un parcours de sevrage grâce au vapotage. Mais malheureusement, le combat pour la lutte contre le tabagisme reste vraiment tenace… La clinique va s’agrandir pour devenir un SSR (Soins de Suite et Réadaptation), et on nous dit d’emblée que ça va être difficile de faire une clinique non-fumeur. Mais on ne lâche rien, on continue à se battre.

Vous avez l’air effectivement de devoir déployer une énergie considérable pour mener à bien vos projets. D’où vient votre persévérance et cette empathie pour les patients qui fument ? Est-ce que vous fumez ou avez fumé ?

LD : Quand je suis arrivée sur la structure, le groupe oxygène était déjà formé et au fil des années je l’ai récupéré et mis à « ma sauce » ! Puis la rencontre avec le Dr Captier, le Mois Sans Tabac, tout était aligné pour que je m’y intéresse et m’y investisse. Et puis quand on croit à un projet, il est plus facile de le porter. Pour ma part, je ne fume pas et je n’ai jamais fumé.

SCV : J’ai fumé une quinzaine d’années et j’ai arrêté depuis 20ans. Je ne sais pas d’où vient cette persévérance, elle est née lorsque je travaillais en psychiatrie où le tabac était très banalisé, la loi Evin commençait à avoir des effets bénéfiques pour entrainer des réductions et des arrêts, un phénomène boule de neige. Mais avec le sentiment que les patients psychiatriques étaient laissés pour compte, avec toutes les conséquences liées au tabac.

NOTES

[1] Je ne fais jamais de « pub » sur VAPYOU, mais je ne peux pas livrer cet interview au lecteur sans indiquer que la boutique dont on parle est Ô MON VAPO à Castelnau. Parce qu’Audrey qui tient cette boutique fait un travail formidable depuis des années (2012), pas étonnant de la retrouver dans cette histoire. Elle distribue le magazine VAPYOU depuis les premiers numéros, et elle en donne à la clinique. Ô MON VAPO à Castelnau : https://annuaire.vapyou.com/boutiques-vape-castelnau-le-lez-o-mon-vapo et à Montpellier : https://annuaire.vapyou.com/boutiques-vape-montpellier-o-mon-vapo

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