Décryptage d’une étude américaine sur l’exposition de souris gestantes aux vapeurs de cigarettes électroniques

J’ai découvert cette étude car elle a été mise en avant sur le site Génération Sans Tabac en déconseillant l’usage de la cigarette électronique chez les femmes enceintes. Ce site est développé par le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT) et soutenu financièrement par le fonds de lutte contre les addictions géré par l’Assurance Maladie.

Vous pouvez consulter l’étude ici (en anglais) : E-cigarette vapor exposure in utero causes long-term pulmonary effects inoffspring.

Altération des fonctions pulmonaires avec de graves conséquences sur la progéniture

Les conclusions de l’étude font très peur. Les « mamans » souris ont été exposées à des vapeurs produites par des cigarettes électroniques et leur progéniture en a subit les méfaits. Les chercheurs constatent une altération de la fonction pulmonaire, avec signes de fibrose et hypersécrétion de mucus chez les souriceaux exposés in utero aux vapeurs de cigarettes électroniques, avec ou sans nicotine. Par ailleurs, une augmentation de la masse corporelle a également été observée chez les femelles à l’âge adulte.

Je n’avais jamais vu de résultats aussi terrifiants. J’ai donc décidé d’examiner l’étude et ce que j’ai découvert est stupéfiant. Pour en avoir le cœur net, j’ai également fait appel à des scientifiques et des spécialistes aguerris. Tous les avis convergent.

Une vapeur toxique produite avec des cigarettes électroniques

Avec un grille pain, on peut carboniser des tartines, c’est très toxique. Mais ce n’est pas un usage normal, personne ne mange des tartines carbonisées.

Les scientifiques expliquent qu’ils ont utilisé un matériel à 70 W. Ils ne précisent pas les résistances utilisées, sachant qu’avec cette puissance il faut être sur une plage entre 0,2 et 0,4 ohms maximum. C’est la pratique du « sub ohm », c’est à dire une grosse vapeur. Pour cela il faut une grosse arrivée d’air, de l’ordre de 8 litres/minutes. Or, les chercheurs indiquent qu’ils ont réglé leur appareillage sur 2 litres/minutes. Autrement dit, ils ont créé des conditions de surchauffe du e-liquide (et possiblement du coton de la résistance) qui conduit immanquablement à la création d’une vapeur très toxique, notamment très chargée en aldéhydes. Si jamais les chercheurs ont utilisé des résistances plus hautes, alors c’est la puissance à 70 W qui provoquerait le même type de surchauffe. En clair, les conditions de production de vapeur ont créé dans tous les cas un aérosol extrêmement toxique.

En pratique, aucun homme ne peut vapoter cette vapeur toxique et par là même très irritante. Cela arrive rarement, en cas d’erreur, oublier de recharger en e-liquide ou se tromper sur les réglages puissance / résistance, C’est ce qu’on appelle couramment un « dry hit ». Une seule bouffée est incroyablement répulsive, il est impossible de vapoter comme ça, même pour les souris. C’est ce qui explique sans doute qu’elles ont été sédatées (endormies). Et là-aussi, c’est intéressant. Ils ont utilisé du bromure de pancuronium et à très haute dose. Ce paralysant de type curare est connu pour créer des dépressions respiratoires. Il est utilisé aux USA pour les condamnations à mort… Injecterait-on ce genre de produit à une femme enceinte ?!

En résumé, les souris ont été sédatées et paralysées pour supporter de pouvoir « ingurgiter » une vapeur extrêmement toxique et irritante qu’aucun homme ne pourrait vapoter, ne serait-ce qu’une seule bouffée. Cet aérosol a bien été créé par une cigarette électronique, mais avec un usage impossible en conditions normales. Pour créer cette vapeur toxique, les chercheurs auraient aussi pu utiliser un grille-pain au lieu d’une cigarette électronique, c’était pareil.

L’équivalent d’environ un 1/2 litre de e-liquide par jour pour un être humain

C’est la deuxième incongruité de cette étude.

Les souris ont été exposées chaque jour pendant 4 heures en continu à raison de 60 bouffées par heure, c’est à dire 240 bouffées. Cela correspond à ce qu’un être humain consomme en une journée (16 h éveillé). Mais pour un animal qui pèse 1000 fois moins qu’un homme (75 g Vs 75 kg). En faisant le calcul dans l’autre sens on a donc exposé les pauvres souris (en étant très raisonnable) à l’équivalent d’un 1/2 litre de e-liquide pour un être humain et à consommer en continu et en 4 heures ! En appliquant le rapport souris / homme, compte-tenu de la quantité (1/2 litre), cela veut dire vapoter une bouffée toutes les secondes au minimum, pas le temps de respirer, c’est totalement inconcevable.

Et rappelons qu’on parle en plus d’une vapeur très toxique, très irritante et répulsive. S’il s’agissait d’un homme, hormis avoir pu l’endormir (avec un truc utilisé pour les condamnations à mort ?), la toux provoquée dès la première bouffée et si ça devait continuer pendant 4 heures pour vapoter un 1/2 litre d’aérosol bourré d’aldéhyde conduirait probablement à une crise cardiaque ou à une expulsion des poumons ! Et que dire d’une femme enceinte…

Malgré cette torture, les chercheurs ne signalent pas qu’ils ont réussi à tuer les souris.

Une vapeur extrêmement toxique et à des quantités X 1000 en équivalent homme, pas étonnant dans ces conditions que les chercheurs aient pu constater des dommages sur les souris et leurs progénitures ! Si on mettait de la mort-au-rat des des e-liquides, forcément ça tuerait les souris et les hommes, et pas besoin de vapoter 1/2 litre par jour… C’est d’ailleurs toute l’histoire de EVALI, lorsque des trafiquants ont rajouté de la vitamine E dans des cigarettes électroniques. Rappel de cette histoire ici :  Retour sur la vague de pneumopathies de 2019 aux USA (EVALI).

Études mal conduites, conclusions faussées

C’est actuellement un très gros sujet qui préoccupe les partisans du principe de précaution de la réduction des risques. La production d’études mal conduites fait se proliférer des conclusions totalement faussées, et ainsi se répandent de nombreux doutes et fausses vérités au gré des citations dans la littérature scientifique, et qui trompent même les esprits qui se veulent objectifs. Pour en savoir plus sur cette étude, j’ai notamment contacté Sébastien SOULET, ingénieur docteur en mécanique chez Ingésciences, et Roberto SUSSMAN de l’Université de Mexico. Les deux chercheurs ont publié récemment une étude approfondie sur cette problématique : Métaux dans la vapeur de cigarette électronique : nouvelle revue de la littérature scientifique.

Ces études « pourries » infectent la plupart des rapports et recommandations dans le monde entier. Si les auteurs ne prennent pas la peine de vérifier la véracité des conclusions en examinant les protocoles, ils ne s’en tiennent qu’aux conclusions, sont trompés et trompent le public et les décideurs. Dernièrement, la question a particulièrement agité avec la publication du rapport SCHEER de la Commission Européenne. À lire ici, entre autres nombreuses protestations, celle de ETHRA (en anglais) :  ETHRA’s view on the SCHEER Opinion.

Et que dire du dernier avis en France du Haut Conseil à la Santé Publique (HCSP) qui va même jusqu’à référencer une étude rétractée pour semer le doute sur le vapotage et les problèmes cardiaques (qui sont légions avec la « vraie » clope).

D’après Sébastien SOULET, toutes les études publiées sur le vapotage méritaient d’être vérifiées avec une réplication en laboratoire pour contrôler que la production des aérosols est cohérente avec un usage « normal ». Malheureusement c’est un travail impossible tellement la littérature regorge de ces études mal conduites. En effets, aux USA notamment, les chercheurs même sans aucune compétence en caractérisation des aérosols et des matériels n’ont aucun mal à décrocher des crédits pour faire des recherches sur le vapotage. La conduite de ces études est très fréquament d’une médiocrité abyssale, juste par méconnaissance des pratiques dans la vie courante en usage normal. Sébastien SOULET préconise la mise au point de normes sur les protocoles et les appareillages pour valider la qualité des études et qu’elles prennent en compte des conditions d’usage normal. Cette étude sur les souris gestantes l’a tellement choqué qu’il envisage, pour l’exemple, de mener une réplication suivi d’une publication scientifique.

Ce phénomène d’études mal conduites n’est pas nouveau, l’histoire la plus retentissante date de 2015 lorsqu’une étude affirmait que la cigarette électronique pouvait être 5 à 15 fois plus cancérigène que la cigarette classique ! A lire ici : L’étude de Portland sur le formaldéhyde est formellement démontée. Et voir ici, l’incroyable scénario et les batailles qu’on dû mener les scientifiques honnêtes pour faire retirer cette étude, mais sans y parvenir : Formaldéhyde : Histoire d’une controverse scientifique.

L’histoire se répète pour déconseiller le vapotage aux femmes enceintes

Proscrire le vapotage pour les femmes enceintes est la nouvelle doctrine en France. Je fais toute l’histoire ici : Et maintenant, Santé Publique France déconseille le vapotage aux femmes enceintes fumeuses.

Comme si ça ne suffisait pas, semble t-il partisan de cette doctrine insensée le site Génération Sans Tabac diffuse t-il cette médiocre (en sont-ils conscient ?) étude sur des souris afin d’effrayer encore plus les femmes enceintes fumeuses et les médecins qui sont enjoints et pris en otage pour leur déconseiller le vapotage ?

Rappelons qu’il existe plusieurs études sur des vraies femmes enceintes, menées au Royaume-Uni dans de grandes maternités sur des centaines de sujets et qui sont très rassurantes car elles ne détectent aucune différence entre des femmes qui vapotent et des femmes non-fumeuses. Lire ici l’excellente publication de l’association SOVAPE : Grossesse et vapotage.

Il y a même des travaux en France, récents, ici à l’université de Rouen : Étude de l’association entre le vapotage chez la femme enceinte et la survenue de pathologies obstétricales (hypertension artérielle gravidique, ou prééclampsie, ou retard de croissance intra-utérin). Certes le nombre de sujets était faible, mais les conclusions sont à nouveau rassurantes : Nous n’avons pas retrouvé d’association entre le vapotage pendant la grossesse et la survenue de RCIU ou HTAG ou prééclampsie.

Semer le doute sur le vapotage : hausse du tabagisme en France

L’info a fait la une des médias ces derniers jours. Alors que le tabagisme baisse presque partout dans le monde grâce à l’essor du vapotage notamment, en France on réussi l’exploit de l’augmenter sur les deux dernières années ! Il parait que c’est à cause du COVID. Je ne suis pas d’accord.

A lire : Vapoter ou fumer : le doute grandit et s’installe durablement dans l’esprit des Français – Sondage BVA pour SOVAPE.

Merci à Sébastien Soulet, Roberto Sussman, Jeremy Sorin, Philippe Poirson, Nathalie Dunand, Claude Bamberger et Valentine Delaunay, qui m’ont aidé pour la réalisation de cet article.