Est-ce que les pouvoirs publics ont évalué le risque de remontée du tabagisme que pourrait provoquer l’interdiction des puffs ?
Le projet de loi est en discussion. L’interdiction des puffs semble imminente pour début 2024. Cette décision va se prendre sous la pression d’un lobbying très intensif, assumé et revendiqué de l’Alliance contre le tabac. L’organisation a fermement pris position et a appelé de nombreuses voix à la soutenir, ici une liste de signataires embarqués de facto dans cette affaire : LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE JETABLE “PUFF”, UN FLÉAU ENVIRONNEMENTAL ET SANITAIRE QU’IL FAUT INTERDIRE D’URGENCE.
De grosses actions d’influence dans les médias ont été menées à l’aide d’un sondage qui a été présenté comme une étude.
Un projet de loi qui s’appuie sur un sondage présenté comme une étude
Commandité par l’Alliance contre le tabac, ce sondage a été réalisé par BVA sur 400 individus parmi lesquels 9 %, soit 37 individus sont « concernés » par l’usage d’un « produit du tabac » (vape comprise, avec ou sans nicotine car la question n’a pas été posée).
L’Alliance contre le tabac a lancé l’alerte car 51 individus, soit 13 % déclarent avoir déjà essayé une puff. Ce chiffre de 13 % a été le principal axe de communication, et il a été bien repris par les médias et les politiques, que ce soit le gouvernement ou les députés qui portent le projet de loi pour interdire les puffs.
On trouve ici une analyse pointue de Philippe Poirson qui est, semble t-il, une des rares personnes à avoir réellement ouvert « l’étude / sondage » de l’Alliance contre le tabac : Debunk du sondage de l’Alliance contre le tabac sur les puffs et les adolescents. Philippe a notamment détaillé comment ce chiffre de 13 % a été fabriqué. Sur 51 individus :
- 8 ont juste essayé au moins une bouffé de puff une fois dans leur vie, ils ne sont pas consommateurs ;
- 8 ont essayé une puff, avant d’avoir essayé une cigarette ;
- 35 ont essayé une puff alors qu’ils étaient déjà fumeurs.
On a donc quasiment 5 fois plus d’individus qui vapent potentiellement dans le sens de la sortie du tabagisme plutôt que potentiellement dans le sens de l’entrée. En prenant deux minutes pour décrypter ce « sondage / étude » alarmant (ce que personne n’a fait, ni journaliste, ni ministre, première soit-elle), le véritable potentiel risque s’établi à 2 %, pas du tout à 13 %.
Mais les médias et les pouvoirs publics soit, y ont cru, soit, ont décidé de laisser passer. Après tout, peut-être que c’est une bonne idée d’interdire un produit de vapotage pour tout le monde afin de protéger des jeunes à qui la vente de produits du vapotage est déjà interdite, et qui se fournissent déjà chez des commerçants qui ne contrôlent pas l’âge (on voit déjà ça pour le tabac…), ou sur des marchés parallèles, qui sont déjà très bien organisés.
En résumé, une loi empêche déjà les mineurs d’accéder aux produits du vapotage, mais comme personne ne fait son travail (à commencer par l’État) pour la faire respecter, on fait une autre loi de prohibition totale du produit. Soit dit en passant, à aucun moment il n’est envisagé de prohiber les vraies cigarettes, alors que les jeunes sont 5 fois plus nombreux à fumer qu’à vaper.
Les jeunes : passerelle ou rempart
Hormis ce sondage de l’Alliance contre le tabac, nous avons aussi en France des institutions reconnues pour leur travail véritablement scientifique, c’est même leur mission, et avec des chercheurs qui travaillent sur des milliers d’individus et qui mènent de vraies études. Les données de l’ODFT n’ont rien à voir avec le sondage de l’Alliance contre le tabac, et l’INSERM a bien démontré qu’essayer le vapotage en premier réduisait de 40 % le risque de devenir plus tard fumeur. D’autres études dans le monde l’ont confirmé.
La vape a un effet rempart à l’entrée dans le tabagisme, c’est un phénomène de détournement, et comme le montre le sondage de l’Alliance contre le tabac (si on regarde bien), les jeunes qui vapent pour potentiellement sortir du tabagisme sont beaucoup plus nombreux (x 5) que ceux qui pourraient potentiellement faire le chemin inverse tant redouté.
Il y a quelques jours, le Pr Dautzenberg et le Dr Arvers avec d’autres co-auteurs ont publié une analyse des études qui prétendent démontrer un effet passerelle de la vape au tabac chez les jeunes. Leurs conclusions sont sans appel, les erreurs commises dans les analyses des données et leurs interprétations farfelues sont comparées par les chercheurs à un éléphant dans un couloir. En résumé, l’effet passerelle est insignifiant, c’est un mythe, c’est faux. Lire ici : Systematic Review and Critical Analysis of Longitudinal Studies Assessing Effect of E-Cigarettes on Cigarette Initiation among Adolescent Never-Smokers.
En résumé, non seulement le prétexte des jeunes pour interdire les puffs est fallacieux, mais si on se réfère à la science, l’effet attendu pourrait être inverse en supprimant une alternative à la tentation de fumer.
La puff : 40 % du marché de la vape ?
Les puffs représenteraient 40 % du marché mondial de la vape ! C’est ce que révèle un récent communiqué de presse de l’agence spécialisée Ecig Intelligence d’après un de ses nouveaux rapports : Disposables currently account for nearly 40% of the global vape market, new report says.
Le chiffre peut paraître étonnant si l’on s’en tient à la propagande des antitabac qui affirment que les puffs sont des produits exclusivement conçus et consommés par les jeunes. Pour ma part ça confirme mon ressenti lorsque je discute avec des professionnels de la vape, tout le monde me le dit, les puffs sont un raz-de-marée. Malgré quelques velléités à résister, on en trouve dans de nombreuses boutiques de vape spécialisées, chez certains buralistes le rayon vape ne propose plus que des puffs, on en trouve aussi dans des épiceries ou des grandes surfaces, et sans parler d’Internet que ce soit le commerce licite ou illicite. Pourquoi un tel succès ?
C’est très facile à utiliser. Rien besoin de comprendre. Aucun entretien. Et on en trouve partout. Je croise même des vapoteurs au long court, qui ne fument plus depuis longtemps, qui se sont mis à utiliser des puffs « parce que c’est tellement plus simple ». Comme avant avec les clopes, on peut sortir de la maison en oubliant sa vape, on sait qu’on trouvera facilement une puff n’importe où.
40 % du marché ! Est-ce que les pouvoirs publics ont évalué les conséquence d’une interdiction sans mesure d’accompagnement ? Évidemment non.
Pourtant on parle peut-être de plus d’un million de personnes concernées qui pourraient voir leur produit interdit du jour au lendemain. Combien parmi elles se reporteront sur les produits standards rechargeables, combien iront acheter leurs puffs au marché noir, combien reprendront à fumer. Aucune idée, aucun travail n’a été fait là-dessus, alors que les risques sanitaires sont considérables.
Une remontée du tabagisme en France ?
Entre 2014 et 2019, au moment de l’essor du vapotage, le tabagisme a brutalement baissé de 15 % en France. À partir de 2018, le vape bashing a commencé et la prévalence tabagisme a cessé tout aussi brutalement de baisser (je prépare un prochain article sur tout ça).
L’interdiction des puffs pourraient donc provoquer une remontée du tabagisme :
- en écartant une alternative au tabac chez les jeunes explorateurs ;
- en compliquant la vie de millions de vapoteurs ex-fumeurs au risque de les renvoyer à la cigarette ;
- et en supprimant une porte de sortie pour les fumeurs qui voudraient expérimenter la vape avec un produit très facile pour tenter d’arrêter de fumer.
La seule bonne raison d’interdire les puffs est la question environnementale, c’est d’ailleurs avec ça que les députés écolos à la manœuvre sur la loi de prohibition se sont fait empapaoutés par l’Alliance contre le tabac.
L’interdiction d’un produit aussi néfaste pour l’environnement peut s’entendre. Mais la manière de procéder, sans aucune prudence pour les publics concernés, sans évaluation préalable et sans mesure d’accompagnement, est stupéfiante et inquiétante. Compte-tenu de la part de marché qu’elles représentent (je ne dis pas que c’est bien), s’attaquer à la puff aujourd’hui, c’est s’attaquer à la vape tout court, le meilleur ennemi de la clope.
J’espère néanmoins qu’une remontée du tabagisme n’arrivera pas, nos chiffres de prévalence sont déjà tellement honteux par rapport à tous nos voisins. On a les anti-tabac qu’on mérite… Les boutiques de vape spécialisées n’ont droit à aucune publicité, espérons quand même qu’elles pourront aider le maximum de personnes à se rabattre vers les produits standards. D’après l’enquête Merci la vape, 88 % des vapoteurs estiment que leur vendeur de vape les a aidé à arrêter de fumer.
Enfin, j’ai entendu dire aussi qu’il pourrait être assez facile pour un fabricant ou distributeur de puff de faire sauter la loi. Ça serait pathétique pour tous ceux qui de près ou de loin ont participé à cette affaire.
Avant de me procurer une e-cigarette rechargeable pas cher la Go-Z, j’achetais des Puff et je trouvais ça bien. Je trouve contre-productif et injuste les motifs de son interdictions sachant que s’il n’y a pas de hausse de tabagisme chez les jeunes adolescents, ils pourront néanmoins aller s’en procurer dans les pays frontaliers.