TED (taxes), TPD (réglementation des produits), qu’en pensent les représentants de consommateurs et de professionnels indépendants ?

Avec la perspective de la prochaine directive sur les produits du tabac (TPD) et la directive sur les accises du tabac (TED), il est bon d’entendre les positions de l’AIDUCE qui représente des consommateurs et les positions de la FIVAPE qui représente des professionnels de la vape indépendants de l’industrie du tabac.

Je remercie très chaleureusement Claude BAMBERGER et Jean MOIROUD qui ont pris le temps de répondre avec beaucoup de précision à mes questions (pertinentes, m’a t-on dit).

J’ai choisi cette forme « d’interview croisée » pour aider les lecteurs à discerner les réponses et mieux mesurer, quand il y en a, les différences de points de vue. Au-delà des prises de position, cet interview « fleuve » permet aussi de renseigner sur les séquences à venir concernant le vapotage.

Bonne lecture !

Q1 : La précédente TPD, transposée et appliquée en France depuis 2017, a limité la publicité et la promotion pour les produits du vapotage. Avec le recul, était-ce une bonne ou mauvaise mesure ?

Claude BAMBERGER – AIDUCE : L’interdiction de publicité et de propagande, décidée par Marisol Touraine en amalgame pur et simple avec le tabac, était et reste une loi infondée. Elle ne repose pas sur la directive Européenne, qui n’interdit que la publicité et qu’à effet transfrontalier. Cette loi a été pondérée (protégée) sur cet aspect par un amendement de Michèle Delaunay autorisant un affichage à l’intérieur des boutiques (physiques ou Internet) après que les articles eurent été séparés de ceux relatifs au tabac par la DGS.

La conséquence première de cette interdiction est que les médias et certains acteurs de santé pensent ne pas avoir le droit de présenter positivement le vapotage ni en faire la promotion. Ainsi leurs colonnes sont grandes ouvertes aux différents adversaires de la réduction des risques et quand ils relaient les études démontrant l’efficacité du vapotage pour arrêter de fumer ou simplement comme alternative plus saine pour ne pas entrer dans le tabagisme quotidien, ils se “couvrent” avec des messages de pseudo-prévention ou pondération en conclusion systématique.

La conséquence seconde est bien sûr que la voix alternative des vendeurs de produits du vapotage est muselée. Est-ce une limite ? Dans un secteur encore jeune donc manquant de moyens pour investir dans la publicité, qui s’applique à lui-même des messages eux aussi (très) prudents, et avec une opposition hystérique, puissante et vocale des préposés à la vente du tabac comme des anti-fumeurs prompts à faire l’amalgame, pas forcément. C’en est triste de constater qu’au 21e siècle, détourner les citoyens d’une consommation des plus à risque pour la santé avec les outils de communication, relève quasiment de l’immoral. C’est pourtant la même chose que promouvoir les masques grand publics en période d’épidémie, mais aussi comme promouvoir l’usage du préservatif, encore classé dans les publicités provocantes et régulièrement discutées. Vapoter est pourtant, avec le recul, moins dangereux pour soi comme pour l’environnement, que manger de la viande souvent ou conduire une voiture à essence ou se faire plaisir avec certaines gourmandises industrielles. Il reste donc du chemin à parcourir mais indéniablement tout ou partie de cette loi doit tomber, c’était en l’occurrence un engagement de la DGS, non respecté.

Jean MOIROUD – FIVAPE : En tant que professionnels responsables nous nous battons pour une ouverture large du champ de notre catégorie de produits. Si l’on considère le strict prisme de la réglementation, et partant d’un marché ouvert, nous aurons toujours plus à perdre qu’à gagner.

Nous sommes conscients que les parties prenantes sont très nombreuses à s’affronter autour du vapotage. En particulier l’industrie du tabac aux moyens énormes et une frange d’anti-tabac, plus anti “tout” que tabac. Le terrain est miné et un mauvais arbitrage réglementaire peut faire s’écrouler la pyramide des possibles.

Sur la forme, l’interdiction sur la publicité me choque car elle assimile la vape au tabac en lui imposant les mêmes règles de communication. C’est violent et injuste de contraindre une solution de réduction des risques efficace et avérée aux mêmes restrictions que celles appliquées au plus grand tueur de l’histoire.

Sur le fond, maintenant que cette interdiction est appliquée, elle crée un certain confort de travail. Premièrement, les produits du vapotage n’ont pas besoin de s’afficher dans les rues pour être connus et envisagés par une majorité de fumeurs. Je ne suis pas sûr que des démarches promotionnelles pourraient faire avancer le sujet sur le fond en donnant des informations utiles. A ce titre, tant que la communication des associations, des professionnels de santé et des usagers est libre, l’essentiel est sauf. Ensuite, cette interdiction met les professionnels indépendants, principalement des TPE et des PME à l’abri d’une surenchère des géants du tabac à laquelle ils ne pourraient pas faire face.

Q2 : Cette TPD avait également limité le flaconnage à 10 ml et le taux de nicotine à 20 mg/ml. Avec le recul, était-ce une bonne ou une mauvaise mesure ?

Claude BAMBERGER – AIDUCE : Le taux de 20mg/ml était déjà interdit de vente locale en France (mais pas à l’étranger en achat à distance) par une règlementation de l’ANSES fondée sur le principe de ne pas changer la classification de toxicité selon les données scientifiques valides et sur la base de données absentes sur les tout petits. On se souvient que l’Angleterre et BAT avaient appuyé une valeur de 30mg/ml, que d’autres pays prônaient plutôt 10mg/ml et que l’industrie pharmaceutique appuyait 2mg/ml. Nous voilà donc avec une limitation Européenne aussi infondée en compromis, ou plus exactement un monopole octroyé au médicament. Etonnamment aucun industriel de la pharmacie, leurs représentants ayant pourtant insisté sur l’importance de ce monopole, n’a lancé sa gamme de “médicaments” bien que les études scientifiques démontrent que le vapotage nicotiné, au-dessus ou au-dessous de 20mg/ml, rend un service médical supérieur à leur offre actuelle principale. On constate aussi qu’aucun acteur du vapotage n’a fait de demande d’AMM, lourd investissement, mais qui lui permettrait l’exclusivité en pharmacie… C’en est triste de constater que la première cause de mortalité évitable ne semble pas être une priorité de soin pour les acteurs du secteur, que ce soit celui de la pharmacie pour l’arrêt ou ceux de la règlementation sanitaire des produits pour les alternatives plus saines.

La limitation du flaconnage était infondée, personne ne s’y est opposé dans le secteur marchand (juridiquement) et la plupart des commerces ont préféré contourner (en France) avec des produits sans nicotine et à côté des boosters sous-dosés. Il est vrai que cela dope les ventes, mais pousse à des consommations de liquides qui peuvent devenir excessives et réduit l’efficacité dans la période d’arrêt du tabac. On constate aussi dans ce segment une qualité plus variable, voire une sous-qualité sanitaire de certains produits (pas de généralité ici).

Ces deux articles issus de la TPD illustrent bien une règlementation absurde mais que trop peu vont attaquer et ceux qui le feront n’ont pas les outils juridiques (il faut être lésé, et donc mettre des produits sur le marché) ni les moyens d’une telle procédure. On constate des phénomènes proches dans des domaines de santé, rendant des soins inaccessibles alors qu’ils sont “meilleurs”, comme dans l’environnement, rendant des options de réduction de la pollution difficiles à diffuser face à des filières installées.

Incidemment cela pousse au flaconnage plastique (du verre en 10ml est vraiment problématique économiquement), ce qui induit un risque marginal supplémentaire si les producteurs, et les consommateurs, ne font pas attention, en plus d’une empreinte environnementale supérieure. Au nom d’une “meilleure garantie sanitaire” on fait tout l’inverse, la marque d’un “en même temps” de la bureaucratie Européenne. C’est aussi une des raisons qui nous a poussé à participer au groupe de travail CEN sur le sujet, une expérience riche d’enseignements.

On notera par ailleurs que ces contenants “polluants” sont une autoroute à une taxation (environnementale) et à un amalgame avec la vente de “paquets” normalisés. Des fois les pièges se voient de loin, et puis on les oublie.

Jean MOIROUD – FIVAPE : Ces deux limitations ont été inventées à une époque où le vapotage faisait ses premiers pas. Les produits – matériels et eliquides – n’étaient pas à maturité, et les connaissances sur le sujet faisaient défaut. Dans ce contexte, imaginer pouvoir créer des contenus réglementaires cohérents était pour le moins arbitraire.

Et pourtant… la limite à 20 mg/ml fonctionne bien. En tout cas avec les systèmes ouverts qui permettent d’adapter finement la performance de l’appareil en fonction du besoin en nicotine du fumeur. 20mg/ml, cela permet de faire arrêter efficacement une majorité de personnes.
Cette limite, fixée uniquement sur des critères toxicologiques, nous a paradoxalement mis à l’abri des systèmes fermés vendus sans conseil et très concentrés en nicotine de l’industrie du tabac, en faisant de la logique “système ouvert + conseil” la base de la vape à la française. Ce n’était pas la finalité de la réglementation mais ces impacts positifs montrent bien la résilience et les valeurs des professionnels de la vape indépendante.

Pour le 10 ml, je suis beaucoup plus nuancé. Cette limite émane de la volonté de restreindre la quantité totale de nicotine contenue dans une fiole. Ainsi, en cas d’épanchement du liquide contenu dans une fiole, il ne peut jamais y avoir plus de 200 mg de nicotine répandus, soit en théorie, moins que la DL50. Ca, c’est la théorie. Mais le taux de nicotine varie selon les concentrations ! Autrement dit, la quantité totale par flacon change de 15 à 200 mg. Si l’on appliquait la logique toxicologique jusqu’au bout, on pourrait dire “pour le 10 mg/ml, les flacons de 20ml sont autorisés”. Finalement, les consommateurs pâtissent d’une mesure illogique car ils étaient habitués à des flacons de 30ml pratiques, moins chers et surtout plus écologiques.

Soyons créatifs avec les futures lois ! Une limitation du volume total fonction du taux de nicotine pourrait réconcilier la réglementation et les usages. Pourquoi ne pas faire, par exemple, du 60 ml maximum pour les liquides en 3 mg/ml, du 30 ml pour ceux en 6 mg/ml, du 20 ml en 12 mg/ml et du 10ml au-delà ? Voilà une première piste, bien qu’elle comporte également des désavantages, notamment sur l’accessibilité des produits. Il s’agira pour nous de construire une position avec l’ensemble des acteurs de la filière, que nous porterons lors des discussions autour de la prochaine TPD.

Q3 : Est-ce que l’impact de ces mesures a été évalué ? Auraient-elles mérité des ajustements ?

Claude BAMBERGER – AIDUCE : L’évaluation des impacts de la TPD comme de la loi Marisol Touraine a été risible, comme souvent limitée au sens des objectifs mais pas des contre-réactions ou la complexité des effets délétères ailleurs. A la base l’objectif affiché étant d’aligner aux mesures de réduction de la demande de tabac des mesures équivalentes contre les produits du vapotage, il n’y a pas de surprise à ce que furent les conséquences de réduire la demande, c’est à dire une baisse du vapotage et donc une perte de succès à quitter le tabagisme. Surréaliste quand le mot d’ordre était d’employer “tous les moyens”. Bien sûr dans la même période les prix des cigarettes et du tabac à rouler ont crus respectivement de 43% et 86% et le paquet neutre a fait son apparition effective, mais même avant la période de stabilisation on n’atteint pas l’objectif théorique sur la prévalence et à peine sur la quantité). En particulier sur le sujet critique de l’entrée en tabagisme puisque les mesures pour les moins de 18 ans (la majorité des Français commencent le tabagisme quotidien avant) ont été à 100% alignées avec celles contre le tabac, protégeant ainsi les ventes de celui-ci. On observe d’ailleurs que le vapotage à 17 ans est en baisse depuis 2014… Ce n’est pas la seule bévue sur ce sujet, la vape ne fait pas tout, mais quand on observe des pays comme les USA sur le point d’annoncer leur première génération sans tabac, et les pays d’Europe du Nord le confirmer, il n’y a pas de quoi être fiers d’avoir maintenu une prochaine génération de fumeurs.

Notre position n’a pas changé depuis cette loi, elle a été simplement renforcée par les preuves scientifiques des différents points sur lesquels nous alertions déjà le HCSP à l’époque de la préparation, comme la DGS : il n’y a aucun fondement dans la loi sur le tabagisme à d’autres mesures que la promotion du vapotage vers les fumeurs et leur entourage. Il y a une place pour une réglementation des spécificités produit, avec les autres classes de produits inhalés (car il y en a d’autres, pas seulement les effets scéniques, et il y a des manques, même si ces manques sont couverts par les normes et la certification AFNOR plus spécialisées et plus larges comme objet).

Jean MOIROUD – FIVAPE : Les impacts de l’interdiction de la publicité sont difficiles à évaluer. Comment savoir si le fait de voir des annonces promotionnelles pour le vapotage aurait permis à un plus grand nombre de fumeurs de sortir du tabac ? Toutefois, ce que l’on peut noter c’est le contexte de marché que cela engendre. Il est plus pacifique et moins tendu. Les budgets de communication des professionnels sont réorientés vers la R&D ou vers des publications “pro” comme PGVG ou Ecig Mag de très bonne qualité. Chaque pro de la filière attend les nouveaux numéros avec impatience ! Nous avons aussi les salons qui structurent (en temps normal) l’année et permettent de cadencer les lancements. Ces “grand-messes” sont pour les pros et les clients l’occasion d’échanger sur les tendances du marché. Les conférences et tables rondes sont aussi des espaces d’expression de qualité. Avec le recul, l’interdiction de la publicité a probablement favorisé la professionnalisation d’une filière à visage humain comme la nôtre, qui arrive à tirer son épingle du jeu sans promotion.

Les impacts de la limitation sur le volume des fioles sont plus mesurables. Tout d’abord, l’obligation de conditionner les e-liquides nicotinés en 10ml a créé un foisonnement énorme des produits. 30 à 40% des unités produites à l’époque se sont retrouvées multipliées par 3. L’impact écologique est très sérieux. Rapporté aux quantités de plastique nécessaires à la mise en circulation d’1ml de liquide, c’est énorme, tout particulièrement sur les bouchons, les compte-gouttes et les étiquettes. Un peu moins sur les bouteilles, car il ne faut pas tout à fait trois fois plus de matière première pour passer d’un 30 ml à trois 10 ml.

Ensuite, il faut comprendre que les 10ml sont des produits chers à fabriquer, à stocker et à expédier. Automatiquement, en privant les clients d’options plus économiques, la vape perd un peu de son attractivité.

Enfin, cette limitation a poussé les fabricants à mettre en place des produits en 40 et 50 ml sans nicotine, pouvant recevoir un ou deux boosters de nicotine et permettant d’obtenir des produits en 3.33 et 6.66mg/ml de nicotine. Une solution d’adaptation qui illustre l’orientation “client” de notre filière. Nos clients ont le droit d’obtenir des produits efficaces pour ne pas fumer, et nous, professionnels, devons répondre à cette exigence.

Q4 : On entend dire que les arômes pourraient être restreints par la prochaine TPD. Pourquoi, et qu’en pensez-vous, effets positifs / négatifs ?

Claude BAMBERGER – AIDUCE : Il y a des arômes et additifs alimentaires qui devraient être mieux qualifiés dans la CLP en inhalation, nul besoin de directive pour cela.

Pour ce qui est des produits du vapotage, réduire le choix en arômes hormis ces réserves, est démontré scientifiquement néfaste à la réduction du tabagisme et sans fondement pour les autres populations.

Le plus surréaliste est de lire des projets de limitation qui précisent que les arômes tabac seraient, eux, conformes, quand le but prétendu est de réduire le risque de “normalisation” ou de retour au tabagisme. Quand l’absurde fait son lit dans les directives.

Les objectifs de la plupart des projets sont clairement affichés, et la demande relative à la taxation émanant du Conseil de l’Europe (les représentants des pays et en dans le cas de cette demande-là, des Ministres des Finances) les affiche : ralentir la bascule des consommateurs de tabac vers des alternatives sans fumée, voire sans nicotine, induisant une réduction des perception fiscales.

Jean MOIROUD – FIVAPE : Interdire les arômes, c’est la plus belle “fausse bonne idée” qu’on ait vu depuis le début des combats de la vape. Cette logique binaire selon laquelle tout ce qui serait susceptible d’attirer les publics jeunes – ou plus généralement tout ce qui fait plaisir – doive être interdit ne prend pas du tout en compte la santé publique. Si le problème ce sont les jeunes, soyons logiques : l’âge moyen d’entrée dans le tabac étant aux alentours de 14 ans, interdisons correctement l’accès au tabac aux mineurs. Sinon, envisageons des solutions de réduction des risques qui puissent leur convenir.

Dans notre cas, et comme l’interdiction des produits du vapotage aux mineurs est correctement appliquée – tout du moins en France – la question ne se pose même pas. Tout comme ce prétendu “effet passerelle” qui tendrait à montrer que la vape est une voie d’initiation au tabac, ce que toutes les observations empiriques des pays dans lesquels s’est développé le vapotage et les études sérieuses déconstruisent.

Nous sommes donc face à une question d’idéologie pure.

Interdire les saveurs dans les e-liquides, c’est interdire ce qui fait plaisir aux fumeurs qui passent à la vape. Cela reviendrait à saper littéralement leur démarche d’arrêt du tabac. La vape a besoin de variété, de créativité et de dynamisme parce qu’au-delà des promesses initiales du potentiel de réduction des risques et des principes basiques de fonctionnement, il faut des relais pour maintenir la motivation. La découverte des goûts, la légèreté de ton, l’approche ludique, tout cela fait partie intégrante du mix qui explique l’efficacité de la vape par rapport aux autres substituts : on passe d’une approche médicalisée souvent démoralisante pour le fumeur à une approche innovante et réconfortante.

Les usagers ont un rôle essentiel à jouer dans le combat qui s’annonce sur les arômes. Ce sera à eux d’apporter des témoignages pour montrer l’utilité et l’importance de cette variété des saveurs.

Q5 : Il semblerait aussi qu’une taxe sur les produits du vapotage soit au programme de la TED. Pourquoi, et qu’en pensez-vous, effets positifs / négatifs ?

Claude BAMBERGER – AIDUCE : Le point a été discuté depuis des années, systématiquement en réaction à la baisse des ventes de tabac dont on affiche maintenant ouvertement le rôle de rente fiscale sur les plus modestes. Au-delà même du vapotage, puisqu’il n’est pas le seul visé, c’est inacceptable, et serait probablement non constitutionnel en France en plus de s’opposer aux avis répétés du législateur.

Au-delà de l’effet économique, engendrant une baisse inéluctable des ventes et de l’utilisation en arrêt du tabac, en plus de transferts de modes de consommation induisant un risque, il y aurait un effet de contrôle de la circulation des produits très violent, car les mesures de contrôles aux frontières fermeraient certains modes au transport des produits comme des ingrédients, donc pas que pour les clients finaux. L’effet d’“affichage” immédiatement dénigrerait le discours sanitaire, on ne recommande pas un produit qui est aussi taxé sur des motifs sanitaires. Et ce serait sans nul doute un pas vers une concentration dans les mains des acteurs ayant déjà les pratiques et circuits adéquats, donc les vendeurs de tabac, qui ne cachent pas pour certains leur acceptation d’un tel coup de pouce.

En regard du niveau de certitude sur les risques “au pire” du vapotage comparé à celles sur le tabac fumé, la taxation actuelle du 20% de TVA est déjà élevée.

Jean MOIROUD – FIVAPE : Les États membres de l’UE ont exprimé en majorité un besoin d’harmonisation des réglementations sur le vapotage. Il faut dire qu’avec une Directive Tabac à la fois très détaillée mais laissant beaucoup de place à l’interprétation nationale, on ne retrouve pas les mêmes transpositions deux fois dans l’UE. C’est normal que le besoin se fasse sentir, les professionnels de certains pays ne pouvant pas commercer aussi bien que d’autres.

Le souci, c’est que cette question de l’harmonisation a été posée aux Etats dans la perspective d’instaurer une taxe. Comme si de façon magique, créer une accise allait lisser toutes les différences sur : les coûts de notification, les interdictions ou les autorisations des ventes transfrontalières en ligne, les taxes locales, le volume des réservoirs, les avertissements sanitaires, la prise en compte des liquides sans nicotine, les notifications sur le matériel, la publicité…. et j’en passe.

Enfin, la logique même d’une taxe sur les produits du vapotage doit-être posée.

Pourquoi, originellement, les pouvoirs publics ont-ils pris la décision de taxer les produits du tabac ? Notamment à cause des conséquences sanitaires liées à leur consommation. Or, les produits du vapotage sont des produits d’amélioration de la santé pour les fumeurs français. Une taxe serait donc philosophiquement opposée à ses principes initiaux.

C’est un jeu de dupes et je le dis ici clairement : jamais une taxe européenne sur les produits du vapotage n’aura un quelconque effet d’harmonisation entre les États. Ceux qui voudront ajouter une taxe nationale pourront le faire, et toutes les autres dispositions à géométrie variable de la TPD continueront à s’appliquer. Autrement dit, la question a été mal posée aux décideurs politiques, qui sont pour certains tombés dans le piège.

C’est un vieux rêve de l’industrie du tabac que d’avoir une taxe sur les produits de la vape. Évoluer dans des systèmes complexes d’accises, c’est une mécanique qu’ils connaissent bien, et qui ne peut que freiner un secteur dynamique qui leur fait perdre des parts de marché. Autant dire, tout bénef pour le tabac. Et puis, une fois la lourde structure administrative de taxation créée, le montant ne pourra qu’augmenter. Les appels aux taxes “à minima”, “plancher”, “à zéro” sont autant de tentatives de manipulation, généralement mises en avant par l’industrie du tabac.

C’est donc un sujet sur lequel nous allons nous mobiliser le plus possible. La seule taxe que les produits de la vape méritent, c’est une TVA réduite, à l’instar des autres substituts nicotiniques dans certains pays. Ce sont nos enfants qui verront la facture des cancers s’alléger dans 20 ans. Parfois, les effets bénéfiques ne sont pas instantanés et comme pour l’écologie, la conscience d’une génération profite à ses descendants.

Enfin, j’ai déjà entendu certains cyniques dire que les États perdaient de l’argent sur la baisse des ventes de tabac, et que rééquilibrer les comptes en taxant la vape était une démarche pragmatique de l’UE. A ceux-là, j’ai envie de dire que les produits nocifs à taxer ne manquent pas. Commençons par le glyphosate et l’évasion fiscale, avant de cibler la vape.

Q6 : Compte-tenu de l’enjeu sanitaire et des connaissances scientifiques aujourd’hui sur la vape, quelles seraient les grandes lignes d’une réglementation « idéale » ?

Claude BAMBERGER – AIDUCE : La seule place du vapotage dans les règlementations est sa promotion auprès des fumeurs, ex-fumeurs et fumeurs potentiels, ainsi que d’évolution du cadre règlementaire des produits inhalés (cosmétique, parfums d’intérieur, effets scéniques, mais aussi exposition des tiers dans les commerces qui en usent depuis longtemps et dans les moteurs et gares). Il y a une place pour des engagements volontaires des fabricants avec les consommateurs les plus exigeants en termes d’information et de garanties qualité. Une normalisation des procédés de mesure et des définitions des produits est sans doute nécessaire pour clarifier le commerce et le contrôle de celui-ci, aussi bien entre fabricants et consommateurs qu’entre fournisseurs et fabricants.

Le reste n’est que protection du commerce du tabac fumé.

Jean MOIROUD – FIVAPE : Une réglementation idéale sur la vape doit rendre compte pleinement dans ses paramètres du potentiel de réduction des risques de nos produits. L’idée serait de trouver le curseur entre ce qui fait l’efficacité de la vape, et ce qui doit encore être amélioré.

Si l’on prend les différents “items polémiques” principalement issus de la TPD, voici quelques suggestions :

  • Attractivité des produits : maintenir l’interdiction de publicité tout en laissant une liberté marketing aux fabricants. Cela permettra de maintenir une approche réconfortante, hors du “tout médical” dans lequel on cherche automatiquement à enfermer les fumeurs quand on leur parle de sevrage.
  • Volume des produits : trouver un compromis intelligent entre sécurité toxicologique et objectifs environnementaux et économiques
  • Régime fiscal : harmoniser par la simplicité en recommandant aux États membres de ne pas taxer davantage que la TVA locale.
  • Vente en ligne : autoriser la vente en ligne des produits du vapotage partout en Europe pour permettre aux personnes isolées ou à mobilité réduite un accès efficace à la vape.
  • Vente aux mineurs : maintenir une interdiction de vente aux mineurs, mais ouvrir le dialogue sur la sortie précoce du tabac des jeunes fumeurs. Imaginer qu’un avis médical puisse permettre l’accès à une solution RDR comme la vape pour un jeune, par exemple.
  • Composition des eliquides : s’inspirer des travaux collégiaux des comités de normalisation pour inclure certaines limitations dans les textes. Le Diacétyle, le sucralose, et d’autres molécules seraient ainsi encadrées, même si elles le sont déjà par la très grande majorité des professionnels de la filière. Mettre en place des aménagements pour sécuriser la mise sur le marché des e-liquides aux sels de nicotine.
  • Notifications : maintenir les plates-formes de notification qui permettent une toxicovigilance, mais lisser les coûts de notifications entre les États membres. Imposer une borne maximale à ne pas dépasser à 100 euros par référence pour ne pas mettre en péril les petits acteurs et permettre un marché européen non biaisé.
  • Notifications sur le matériel : faire sauter cette mesure qui ne sert à rien et ne plus imposer d’avertissement sanitaire sur le matériel, à l’image de la France.
  • Contenu des avertissements sanitaires : harmoniser les mentions, avec une seule phrase telle que “Ce produit s’adresse uniquement aux fumeurs dans une démarche d’arrêt ou de réduction de leur consommation de tabac.”
  • Forme des avertissements sanitaires : s’éloigner du marquage type “paquet de cigarettes” et permettre une mention plus discrète, appliquée une seule fois sur les boîtes.

Q7 : Quartier libre. Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Claude BAMBERGER – AIDUCE : Aujourd’hui comme depuis des années on oublie l’essentiel un peu vite face aux attaques incessantes des acteurs qui ne peuvent se détacher de l’univers tabac et de ses revenus aussi pharaoniques que leurs conséquences sont mortifères. Les acteurs de la filière (Française pour ce qui nous concerne) du vapotage sont le premier front de la réduction du tabagisme. Certes les professionnels de santé de terrain ont répondu, et en France rapidement et énergiquement (même s’il reste des chapelles).

Mais les fabricants sont aussi les premiers acteurs de la qualité sanitaire des produits. Quand on lit les inepties d’un rapport comme celui du SCHEER, qui compile une grande partie des fausses sciences, et que l’on compare aux discussions et avancées de la filière, au travers des travaux de normalisation pour ce qui nous concerne le plus, on voit deux paysages : d’un côté des affirmations infondées et des tactiques de manipulation irresponsables financées par des centaines de millions, de l’autre des préoccupations légitimes et bien plus fines techniquement. Car oui il y a des choses à améliorer dans les produits du vapotage, des composés à remplacer, des processus à solidifier, des mesures à affiner, et nombre l’ont déjà été, mais le degré de risque est bien dans les “5%” (et maintenant moins) et n’a rien en commun avec les rumeurs et autres campagnes médiatiques. Et c’en est inquiétant. Mais pas spécifique malheureusement.

Alors bien sûr cette lutte surréaliste continue, et il y aura des batailles avec des victoires et des échecs, mais sans doute est-il temps de préparer de nouveaux champs de bataille, car le temps de la seule résistance est passé, les preuves scientifiques sont là, les vapoteurs sont des millions, les fabricants sont devenus des industriels, les commerçants un secteur d’activité.

Jean MOIROUD – FIVAPE : Les combats des années qui viennent sont cruciaux pour les produits de la vape. Avec la révision de la directive taxation en 2021 et 2022, puis plus tard la révision de la Directive tabac, nous avons deux dossiers majeurs sur lesquels toutes les parties prenantes vont avancer, mais aussi s’affronter.

Notre fédération, comme elle le fait depuis sa création, entend faire front commun avec les usagers, et avancer dans l’intérêt et la sécurité des consommateurs. Nous sommes une jeune profession, forte de valeurs humaines et progressistes. Notre ennemi est le tabac, nous ne l’oublions pas.

 

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