Dans le cadre d’opérations « Espaces sans tabac », il devient interdit de fumer autour des écoles, mais aussi de vapoter. Pourquoi ?

Menées par la Ligue Contre le Cancer et financées par le fond addiction, les opérations « Espace sans Tabac » se multiplient. Les lieux visés sont les écoles, les établissements de santé, les plages, les parcs publics. À chaque fois, la ligue, les élus ou les institutions concernées convoquent la presse pour faire écho à la mise en place d’un nouvel espace sans tabac, c’est toujours présenté comme une bonne nouvelle, comme un pas de plus dans la lutte contre le tabac, personne n’y trouve rien à redire, c’est très consensuel. Pour éliminer le tabagisme, il faut l’interdire. C’est simple.

À ma connaissance, la Ligue Contre le Cancer n’ordonne pas spécialement d’interdire aussi le vapotage. Mais régulièrement, à l’occasion des communications, on constate que les opérateurs sur le terrain décident d’interdire de fumer ET de vapoter. Très récemment, c’est arrivé à l’hôpital Gustave Roussy, premier centre européen de lutte contre le cancer.

Pour son opération Espace sans tabac, de très nombreuses signalétiques ont été affichées partout. Sur le picto, une cigarette et une vapoteuse barrées. Interdiction de fumer. Interdiction de vapoter. Je m’en étais ému à l’époque. Renseignements pris auprès du RESPADD (partenaire de l’opération), on m’avait répondu que l’initiative venait de l’établissement, que les panneaux ont été une « surprise » le jour de l’inauguration. À ma connaissance, rien n’a été corrigé. Les photos sont toujours sur le site Internet de Gustave Roussy. Paradoxe déconcertant que ce centre de lutte contre le cancer qui induit les fumeurs en erreur et les empêche d’accéder à une solution qui pourrait les aider avec une injonction à ne pas utiliser l’outil d’aide le plus performant de notre époque et alors que l’INCa (Institut National du Cancer) n’hésite pas à leur recommander.

Il y a quelques jours, on a vécu la même histoire lors de la mise en place des espaces sans tabac autour des écoles à Belfort. De nouveau la signalétique explique qu’il est interdit de fumer ET de vapoter. Une fois encore, les défenseurs de la réduction des risques s’en sont émus, à lire ici l’excellent article de Guillaume Bailly : Cigarette électronique et tabac persona non grata autour des écoles de Belfort.

Vaper n’est pas fumer, c’est évident. Vaper aide à arrêter de fumer, c’est évident aussi. Alors pourquoi se retrouve t-on dans de telles situation, où des organisations, voire des personnes salariés ou responsables, ajoutent avec zèle le vapotage à l’interdiction de fumer. Ils pensent bien faire sûrement, et c’est ce qui est inquiétant. Tout comme il est inquiétant que ceux qui pourraient dire quelque chose se taisent, ne réagissent pas.

Dénormalisation du tabac

Je vais parler de mon expérience personnelle. J’étais un papa fumeur. Mes deux filles ont été sensibilisées au fléau du tabac à l’école. Plus d’une fois, elles ont essayé de me convaincre de ne plus fumer. Ça n’a jamais marché. Même si j’étais conscient que je pourrais leur faire plaisir en arrêtant, c’était trop difficile, voire ça m’énervait et m’arc-boutait encore plus. Je fais partie aussi de ceux que les augmentations de prix n’ont jamais motivé à arrêter de fumer. En général, je fumais un peu moins pour ne pas dépenser plus. Ça durait quelques semaines, et je revenais à mon niveau initial (un paquet par jour minimum), en payant plus. Pour faire des économies, je profitais des voyages pour faire des stocks de clopes détaxées. Je n’hésitais pas à cacher 10 cartouches dans les bagages à main.

Par contre, mes filles n’ont jamais fumé. Malgré leurs nombreux amis qui fument. Donc je suis amené à penser que les campagnes de prévention menées dans les écoles ont eu un effet sur leur comportement. Si c’est le cas, tant mieux, c’est très bien.

Mais un jour, j’ai quand même fait très plaisir à mes filles. C’était il y a plus de 7 ans. Je suis arrivé à la maison avec ma première cigarette électronique et je leur ai dit que je n’avais pas touché une cigarette depuis plusieurs heures, que je pensais que ça marchait. Elles ont été très contentes. Dernière précision, mes filles sont trop vieilles (déjà) pour avoir été sensibilisées au vapotage. Pour autant, elles ne vapotent pas, elles n’en n’ont jamais eu envie.

Tabagisme passif

Outre la dénormalisation (du geste, de la fumée), les promoteurs ou commentateurs de ces espaces sans tabac aiment aussi proclamer qu’il s’agit de protéger la population du tabagisme passif.

Alors soyons clair, dans les espaces extérieurs, c’est faux. Il n’y a pas de tabagisme passif. Pour reprendre l’exemple des écoles, que ce soit pour la dénormalisation des pratiques ou pour la santé des autres, la fumée ne nuit à personne (sauf à cracher en pleine tête, et encore, c’est plus une question de savoir vivre). Il s’agit là d’un des nombreux mensonges que les anti-tabac se croient obligés de répandre pour « convaincre » encore plus. Salir l’image des fumeurs, c’est peut-être une façon de les inciter à s’en sortir, de ne plus être de ces crasseux. Ces idiots qu’il ne faut surtout pas plaindre d’être taxés à mort en contrepartie de leur addiction, qu’ils payent !

Je me rappelle bien aussi, alors que je fumais ma clope en attendant mes filles à la sortie de l’école, de voir ces parents qui restaient dans leur voiture en attendant l’ouverture des grilles. Moteur allumé pendant l’hiver pour le chauffage, moteur allumé pendant l’été pour la climatisation. Ça me semble bien pire qu’une clope… Ça me désolait, mais il ne m’a jamais traversé l’esprit d’interdire les voitures aux abords des écoles.

Fumer ou vapoter : amalgame nocif

Pour ou contre cette démarche de dénormalisation, la question du vapotage est autre chose. D’un point de vue très pragmatique, compte-tenu des connaissances scientifiques, il n’y a pas de danger clairement identifié à vapoter. Alors que la clope…

Si l’on reste donc sur le seul terrain de la dénormalisation, qu’est-ce qui justifie d’interdire le vapotage ? Rien. À part la « ressemblance » avec le geste de fumer. Ce qui voudrait dire que vapoter incite à fumer. Là encore, rien n’est prouvé, c’est une idée reçue, il se passe tout le contraire. Rappelons que le vapotage est interdit de toute publicité, alors comment s’est-il répandu ? Par l’exemple. Je vois quelqu’un vapoter, ça me donne l’envie d’essayer. J’essaye, et j’ai de grandes chances d’arrêter de fumer.

L’interdiction de vapoter autour des écoles est donc probablement contre-productive. Elle renforce l’idée que vaper et fumer, c’est pareil, alors que c’est faux. Elle empêche les parents et les enfants de se faire une image juste de la vape : un outil pour arrêter de fumer.

Si tous les enfants de parents fumeurs expliquaient à leurs parents qu’ils devraient essayer le vapotage, est-ce qu’on ne ferait pas un grand pas sur la lutte contre le tabagisme ?

Si les parents qui vapotent à la sortie de l’école pouvaient expliquer leur pratique à ceux qui fument encore, est-ce qu’on ne ferait pas un grand pas sur la lutte contre le tabagisme ?

Si les organisations qui luttent contre le cancer et autres acteurs de la prévention s’ouvraient un peu plus à la réduction des risques, et faisaient preuve de plus de témérité plutôt que de se confiner dans une attitude auto-protectrice en s’abritant derrière les mesures coercitives bien consensuelles et confortables, est-ce qu’on ne ferait pas un grand pas sur la lutte contre le tabagisme ?

J’ai entendu récemment dans les médias que la lutte contre le tabagisme est un échec total. C’est vrai. Pourquoi ? Parce que les « acteurs » de cette lutte ne se préoccupent que de leur bonne conscience (apparente), ils ne se battent pas vraiment. On ne peut pas se battre sans prendre de risque.

Avec ces opérations « Espaces sans tabac », ils sont sûrs qu’on ne pourra pas leur reprocher de n’avoir rien fait. En interdisant de vapoter, ou en ne réagissant pas, ils contribuent insidieusement au maintien du tabagisme. Mais chut, faut pas leur dire, ça les agace… Ça les agace quand on leur reproche d’être les principaux responsables de la perception erronée des risques du vapotage par rapport à la cigarette (voir ce sondage réalisé par l’association SOVAPE).

Illégal ?

Pour finir, un échange sur Twitter à propos de l’affaire de Belfort. Il semble que l’association AIDUCE soit prête à aider ceux qui ont envie de se battre contre ces mesures coercitives en portant plainte devant le tribunal administratif ou qui voudraient se défendre en cas de verbalisation.

Je n’en sais pas plus, pour d’autres renseignements, contactez l’association : www.aiduce.org.

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