L’augmentation des prix du tabac est (trop) souvent présentée comme la seule mesure efficace pour lutter contre le tabagisme. C’est faux, voici pourquoi.

Quand j’ai arrêté de fumer, je payais mon paquet de cigarettes 6,40 €. J’avais subi de nombreuses augmentations de prix, 30 ans auparavant, quand j’avais 12 ans, je payais 4,5 Francs mon paquet, même pas 1 €. Pourtant, jamais la grimpette des tarifs ne m’a incité à arrêter, ça m’énervait seulement. Dans les derniers temps, comme j’avais la chance de voyager une ou deux fois dans l’année à l’étranger, j’essayais de faire des réserves en duty free. Même mes gamines, toutes petites, avaient des cartouches dans leur petit sac de voyage. Je crois que si je fumais encore aujourd’hui, je serais désormais passé au marché noir.

Est-ce que l’augmentation des prix du tabac incite à arrêter de fumer ?

Moi non. Mais je conçois intellectuellement que ce soit possible, ça arrive forcément. Il n’y a pas de suivi précis en France. Il n’y a que des « déductions » ou des corrélations. Le seul monitorage est celui des ventes de cigarettes dans le réseau officiel des buralistes. Les douaniers suivent ça de près, on parle de gros milliards d’€ de recettes fiscales qui doivent rentrer sans encombre dans les caisses de l’État (en fait, la sécurité sociale). Et il y a aussi l’OFDT qui publie les chiffres mensuellement.

Même sur les enquêtes de Santé Publique France, l’impact réel des augmentations de prix du tabac n’est pas clair. Il y a tellement d’autres « moteurs » qui stimulent la baisse du tabagisme. C’est très flou. Les réactions des fumeurs sont diverses :

  • arrêter de fumer
  • réduire sa consommation, par exemple fumer 18 cigarettes par jour au lieu de 20, permet de « gommer » une augmentation de 10 %
  • aller au marché noir, où le prix du paquet est à 5 €, soit moitié du prix officiel
  • ne rien changer et payer plus cher le fait de fumer

Aider les fumeurs et / ou lutter contre le tabagisme

L’argument massue des anti-tabac est que l’augmentation des prix permet de repousser les jeunes et leur éviter ainsi d’entrer en tabagisme. Ils ont raison, ça marche probablement, la baisse du nombre de fumeurs que constate Santé Publique France depuis quelques années est en partie due à moins de nouveaux fumeurs.

Par définition, la mesure vise donc essentiellement à protéger des non-fumeurs. Mais le problème, c’est qu’elle impacte aussi, et surtout, les 14 millions de français qui de fument (vraiment eux). Or il se trouve aussi le tabagisme touche plus majoritairement les plus démunis (niveaux de revenus les plus bas, niveau de diplômes les plus bas). Et l’an dernier, malgré les augmentations de prix du tabac, ces franges de la population ont fumé plus. Lire ici dans LIBÉRATION : Rebond de tabagisme chez les plus précaires en 2020. Si ils ont fumé plus, ils ont payé encore plus, en quantité, et avec l’effet de levier dû aux taxes (puisque les prix ne cessent d’augmenter).

Du coup l’augmentation des prix n’agit que très partiellement sur la lutte contre le tabagisme, et elle « punit » les 14 millions de fumeurs, sans beaucoup, ou très peu, les aider. La paupérisation volontaire (?) d’une population aussi importante est absolument anti-sociale.

Et ailleurs ?

Bizarrement, la mesure prétendument « la plus efficace » n’est pas appliquée dans l’un des pays au monde où on fume le moins : 5 % ! Un pays où les cancers sont au plus bas. 60 % de moins qu’en France pour 100.000 habitants concernant le cancer des poumons et 35 % de moins qu’en France pour les oraux-pharyngés (informations prises ici). Pourtant, en Suède, le paquet de cigarette est vendu 6 €.  Encore moins cher qu’en 2013 quand je fumais encore !

Comment font-ils pour avoir si peu de fumeurs ? Il faut se renseigner sur le SNUS, un produit qui est… prohibé chez nous. Ici toute un article bien complet sur le sujet :  SNUS : un scandale sanitaire sur toute l’Europe. Quel rapport avec la vape ?

À lire aussi dans LES ÉCHOS : Pourquoi la Suède ne compte que 5% de fumeurs quotidiens.

2 milliards de plus par an sur le dos des fumeurs

Depuis son arrivée au pouvoir, le président Macron et ses gouvernements ont procédé à des augmentations massives des prix du tabac. Et preuve que l’impact sur les fumeurs pour arrêter est bien faible, les rentrées fiscales ont augmenté de 2 milliards d’€ par an ! C’est expliqué ici. Le confinement a d’ailleurs eu un effet « d’aubaine » pour les caisses de l’État.

Peut-on oser espérer que cette rentrée supplémentaire de 2 milliards d’€ était vraiment inattendue ?

Dans ce cas, voilà un bien beau projet pour les candidats aux prochaines élections présidentielles : rendre l’argent aux fumeurs pour les aider. Concrètement, il s’agirait de consacrer deux milliards au moins à la prévention mais aussi, et surtout, à l’aide aux fumeurs.

Bien entendu, il faudrait que le vapotage trouve une place majeure dans ce plan, car c’est l’outil le plus efficace (deux fois plus performant que les substituts nicotiniques), et le plus populaire (parce que ça marche).

Pour la sécurité sociale, ce serait un bon investissement, car moins de fumeurs, c’est moins de dépenses de santé.