Après les quelques jours qui ont fait débat sur la cigarette au lycée, est-il raisonnable et crédible d’envisager la vape comme outil de prévention du tabagisme chez les jeunes ?
L’affaire n’a pas duré guère plus d’une semaine. Le chef du gouvernement Édouard Philippe a tranché : hors de question de laisser les proviseurs des lycées autoriser les élèves à fumer dans l’enceinte de leurs établissements scolaires. La ministre de la santé et son administration auraient donc gagné la partie au nom de la santé publique et de la prévention, face à ministère de l’éducation en proie aux inquiétudes de ses chefs d’établissements pour la sécurité des élèves face aux risque d’attaques terroristes.
Dans l’agitation médiatique autour du sujet, entre les pour et les contre pur jus, les observateurs attentifs auront peut-être remarqué le communiqué de Fédération Addiction : Pas de tabac dans les lycées, mais pas de lycéens sans aide. Devançant l’argument de la prévention qui a guidé le premier ministre, dans un esprit d’apaisement et toujours volontaire au progrès, la Fédération propose la mise en place, même ponctuelle, d’espaces pour l’arrêt du tabac et sa réduction des risques, présentant des outils comme les patchs, les substituts nicotiniques et le vapotage ;
Et pourquoi pas ?
Cesser l’hypocrisie
Certes le gouvernement a tranché, pas de cigarettes dans les lycées. Mais pour autant, est-ce que depuis des années où la loi Evin est plutôt bien appliquée – d’où les attroupements extérieurs – les jeunes fument moins ? Clairement non, 36% des jeunes de 16 ans sont fumeurs, un sur trois, la France détient l’un des records européens.
La ministre de la santé Agnès BUZYN va annoncer un nouveau plan de lutte contre le tabagisme. La prévention sera semble t-il au cœur du dispositif. Quelle prévention, c’est la question. Est-ce que l’on va continuer sur la voie de la morale « fumer c’est pas bien ». Sachant que, comme pour l’interdiction de fumer dans les établissements, tout cela n’a porté aucun résultat depuis des années et des années.
Méthode Coué. Si la plupart des bien pensants semblent se satisfaire de coercition et de leçons de morale, peut-être serait-il temps de passer des obligations de moyens aux obligations de résultats. Pour les responsables de la santé publique, il s’agit donc de changer de logiciel. Certes, c’est moins simple que le petit confort « d’avoir fait les choses ». Il faut prendre quelques risques, repousser les fantasmes et idées reçues, innover.
Il est temps d’agir autrement, d’autant que les gouvernements successifs ne se sont jamais décidé à faire appliquer l’interdiction de vente au mineurs chez les buralistes. Pourtant raison « évidente » mais qui n’a d’ailleurs précautionneusement pas été abordée dans le communiqué du premier ministre. Lobby quand tu nous tiens…
Oui, il y a de nouvelles pistes pour tenter de détourner les jeunes du tabagisme. Qu’est-ce qu’on attend ? Des solutions ? Elles sont là à portée de main. Alors ? Il nous faut juste des décideurs courageux, téméraires et ouverts au dialogue avec les spécialistes de la réduction des risques.
Fantasmes et réalités sur l’effet passerelle vape / cigarette
Malgré les déclarations maladroites de la ministre Agnès BUZYN, aucun doute, la vape est une solution pour sortir du tabagisme. C’est confirmé par de nombreuses études, il semble de plus en plus évident que c’est même la meilleure des solutions. La vape est une pratique « plaisir », à priori bien moins nocive que de nombreux produits alimentaires, cosmétiques ou pharmaceutiques, et qui a l’incroyable avantage pour de nombreuses personnes d’écarter l’envie de fumer une cigarette. Ce n’est pas un médicament, c’est une alternative.
Si la vape permet clairement de sortir du tabagisme – ce qui pourrait déjà être utile aux 36% de fumeurs à 16 ans – toutes la question est de savoir si elle permettrait aussi d’éviter l’entrée dans le tabagisme ? Et là-dessus le débat fait rage ! Alors où en sommes-nous ?
Voilà des années que les partisans de « l’effet passerelle » argumentent pour démontrer que la vape représente un risque d’entrée dans le tabagisme. Plusieurs études sont sorties en ce sens avec des conclusions qui se veulent sans équivoque. Mais à regarder de plus près la méthode est toujours la même. Ils relèvent que les jeunes qui ont essayé la vape avant de fumer, sont plus nombreux que ceux qui fument sans avoir essayé la vape. Avec cette lecture, le risque est alors estimé à 3 voire 5 fois plus. Par contre, ce qu’ils ne recherchent pas, et c’est l’argument des contradicteurs, c’est savoir si les jeunes en question ne serait pas devenus fumeurs quand bien même la vape n’existait pas. Le biais est évident. C’est le même que pour le cannabis, combien de consommateurs de drogue dures n’ont pas fumé de joints ? Cet autre fantasme d’effet passerelle reste vigoureux – malheureusement, surtout chez les politiques – même s’il n’a plus aucun sens pour les spécialistes.
Lire aussi les insupportables prise de positions de l’OMS : Le bureau européen de l’OMS veut tracer la voie vers une génération d’enfants sans fumée
D’un autre côté, des études regardent le chemin inverse. Combien de jeunes ayant expérimenté la vape sont finalement passés au tabagisme ? Or une nouvelle étude sur 60 000 ados britanniques vient de sortir, et elle montre que la vape n’encourage pas le tabagisme. La conclusion de l’auteur est claire : les inquiétudes que le vapotage puisse amener un grand nombre de jeunes à la dépendance et à l’usage de tabac semblent de plus en plus improbables.
En clair, la vapotage n’est pas une passerelle et il se pose en concurrent de la cigarette. Vapoter pour éviter de fumer. Ce sont les conclusions que martèle déjà depuis plus de deux ans le Pr Dautzenberg : Les adolescents plébiscitent la cigarette électronique aux dépens du tabac. A savoir aussi, que contrairement aux fumeurs plus âgés, les jeunes ont une plus grande tendance à vapoter SANS nicotine, ce qui réduit d’autant plus les risques d’accoutumance.
La vape, outil de prévention dans les lycées ?
Il y a quelques mois, en mode « poisson d’avril » j’ai proposé un plan pour les lycées, avec un slogan qui claque « La vapote, c’est comme la capote ». Et pourquoi pas ? Car finalement, qu’est-ce qui serait le plus « grave », 36% de fumeurs à 16 ans ou 36% de vapoteurs ? Quand bien même un pourcentage (faible d’après l’étude britannique : 20%) d’entre eux iraient quand même essayer de fumer des cigarettes.
Alors que nos autorités de santé publique ne cessent de vouloir enseigner les « bonnes pratiques » dans tous les domaines, alimentation, hygiène de vie… Est-ce que l’apprentissage de la réduction des risques appuyée sur un sujet aussi prioritaire que le tabagisme ne serait pas une forme d’éducation positive et responsable ?
Responsables… La Fédération Addiction a tenté d’ouvrir le débat dans son communiqué. Quelqu’un a t-il entendu, là où se dessinent et se décident les politiques de santé publique ?