Dans le cadre de l’appel à projets contre les addictions, Alliance Contre le Tabac vient de se voir accorder une énorme subvention de 4 millions d’euros. Pourquoi, comment ?

L’info a été publiée le 15 novembre dans les actualités du site Internet de l’assurance maladie, Appel à projets contre les addictions aux substances psychoactives : 25 projets ont été retenus. Alors que l’an dernier, tous les projets de l’Alliance Contre le Tabac avait été retoqués pour incertitudes méthodologiques et financements indirects d’agences de communication ou de relation publique, cette année ça passe sans aucune réserve. La totalité du budget demandé a été accordé : 3.709.800€, soit près de 4 millions d’euros.

Comme d’habitude, aucune précision sur la nature du projet, on a juste droit au titre « Dénormalisation du tabac en France« . Exactement le même intitulé que celui qui avait été refusé l’an dernier, il y a juste 800.000 € de moins qui ont été demandés. On imagine donc que le projet a été repensé pour bénéficier du financement en 2019, mais impossible de vérifier. Difficile d’ailleurs de savoir ce qu’il advient vraiment des projets financés. L’an dernier le projet conjoint CNCT / Droit de Non-Fumeurs « DemainSansTabac.org » m’avait interpellé (700 000 € quand même !), mais même dans le document Fond de lutte contre le tabac : bilan des actions financées en 2018 publié sur le site de l’assurance maladie, il n’y a aucune info. Y’a comme une impression de petite cuisine entre amis sans aucune transparence. Dommage, parce que du coup, on spécule…

Dénormalisation du tabac en France : un titre inquiétant

En soi, « dénormaliser » la consommation de cigarettes n’est pas un mauvais sujet. Le problème, c’est la manière de le faire. On imagine qu’avec près de 4 millions d’euros l’Alliance Contre le Tabac va pouvoir mener de nombreuses actions. Lesquelles ? Mystère.

Mais ce qui inquiète c’est le périmètre de ce que l’Alliance Contre le Tabac considère comme de la dénormalisation (du tabac). En effet, ses porte-paroles ne manquent jamais une occasion de rappeler leur position idéologique par rapport au vapotage. Pour eux, vapoter dans les lieux publics contribue à la renormalisation de l’acte de fumer, c’est écrit noir sur blanc dans ce communiqué (Nota : en cliquant sur le lien, vous n’allez pas sur le site de l’Alliance, j’ai téléchargé le communiqué de peur qu’il ne disparaisse un jour, vous comprendrez pourquoi en continuant la lecture). On peut alors légitimement se demander si le projet contient des actions de stigmatisation et de coercition envers les vapoteurs.

Alliance Contre le Tabac : anti-vape

La documentation scientifique et médicale est tellement riche et rassurante aujourd’hui que l’Alliance Contre le Tabac peut difficilement prendre des positions contre le vapotage en tant que tel. Mais bien qu’ils s’en défendent bien entendu comme des vierges effarouchées, toutes les occasions sont bonnes pour nuire à la vape dans les communiqués et les prises de paroles de l’organisation.

Dans le communiqué ci-dessus, on trouve la phrase : Enfin, il est fortement déconseillé aux femmes enceintes d’utiliser tous ces produits (tabac, tabac à chauffer, e-cigarette). La vape donc au même niveau que le tabac. Alors que sur les groupes auto-support comme Vape Info Service ou Je Ne Fume Plus, on s’évertue à rassurer les futures mamans quant au vapotage, l’Alliance Contre le Tabac savonne la planche et effraye la population en nourrissant l’effet d’amalgame. Pourtant, il y a des études, notament celle réalisée dans une maternité en Angleterre : Grossesse et vapotage : une étude très rassurante. Là-bas 21 associations et sociétés savantes ont aussi rédigé depuis plusieurs années un guide à l’attention des professionnels de santé sur l’utilisation du vapotage pendant la grossesse (traduit en français par le Pr. Jean-François ETTER – Université de Genève).

Et que dire des déclarations du président de l’Alliance Contre le Tabac, Loïc Josseran qui, cet été dans le journal de France 2 (voir vidéo en fin d’article), a affirmé qu’on avait déjà trouvé de l’antigel dans les e-liquides ? Heu… oui, le propylène glycol a des propriétés « antigel », donc il y en a dans tous les liquides. Le sel aussi est un antigel. Pourquoi, sinon effrayer et détourner la population du vapotage. Lors du dernier Sommet de la vape, un sondage réalisé par BVA pour l’association SOVAPE a révélé que 60% de la population considère le vapotage aussi nocif, voire plus nocif que la cigarette. Les allusions et les prises de position de l’Alliance Contre le Tabac contribuent à nourrir cette défiance insensée et infondée.

Pour l’Alliance Contre le Tabac, le vapotage ne devrait être réservé qu’aux fumeurs qui souhaitent arrêter de fumer. En confusion totale avec la cigarette, ils refusent l’idée d’un usage récréatif (c’est écrit aussi noir sur blanc dans le communiqué cité plus haut). Hors cela pose deux problèmes. Premièrement, les vapoteurs au long court. Moi, par exemple. Ça fait plus de 6 ans que j’ai arrêté de fumer. Je ne vape plus que pour le plaisir. C’est mal. Ça ne leur convient pas. Et les jeunes ! Leur grand sujet. Il ne faudrait pas que les jeunes commencent à vapoter. Quand bien même cela leur éviterait de fumer, ou au moins de repousser une éventuelle entrée dans le tabagisme. Non, c’est mal. Pourtant aux USA, l’essor du vapotage a contribué à un effondrement du tabagisme juvénile. Il n’y a là-bas plus que 5,8% des jeunes qui fument. En France ? 25% des gamins de 17 ans sont fumeurs quotidiens. Ça pose question ? Non. Pas pour l’Alliance Contre le Tabac.

Ils sont aussi en guerre contre la nicotine. L’alliance contre le tabac nourrit en permanence le fantasme de la passerelle vers le tabac. Pourtant, grâce aux données américaines, on sait aussi que c’est faux. Sinon le tabagisme des jeunes aurait augmenté. Ils prétendent que la nicotine vapée provoque une addiction, alors qu’il n’y a aucune étude là-dessus. Ce n’est qu’une supposition. Mais en attendant, à coups de fantasmes et d’élucubrations, ils nourrissent sans relâche la défiance envers la nicotine. Résultat, concrètement ? Il faut aller voir de nouveau le sondage BVA réalisé pour l’association SOVAPE : 80% des français pensent que la nicotine est cancérigène.

Dans un monde normal, une organisation de lutte contre le tabac serait vent debout pour défendre et promouvoir le vapotage. Mais dans un monde où le système tabac a infecté toute la société, en France particulièrement, l’Alliance Contre le Tabac est une des chevilles ouvrières de la ligue anti-vape. Stratégie volontaire ou bandes d’illuminés portée par une idéologie passéiste et fondamentaliste de la haine du fumeur (et de l’ex-) ? Difficile à cerner. Une chose est sûre, le tabagisme est leur fond de commerce. Le jour où il n’y aura plus de cigarettes, il n’y aura plus besoin d’Alliance Contre le Tabac. Alors la vape, meilleure ennemie du tabac, outil d’aide le plus populaire chez les français, forcément c’est profondément ça le problème.

4 millions pour Alliance Contre le Tabac : 33% des fonds alloués par l’appel à projet !

Ça parait incroyable. Une seule association récupère le tiers des subventions ! Aucune réserve, la totalité du montant demandé est accordée. La bienveillance du comité de sélection est remarquable. Bien sûr l’Alliance Contre le Tabac n’en fait pas partie, mais notons quand même que l’organisation compte parmi les membres qui assurent la gouvernance du fond (l’info se trouve ici sur le site de l’assurance maladie). On y retrouve aussi l’ANPAA qui s’est vue attribuer 16,4 % des fonds avec deux projets. Ces deux organisations se partagent donc 50% de l’appel à projet, soit plus de 5,5 millions d’€. Dont acte.

Fond tabac / Fond Addictions

Il y a un petit retour en arrière intéressant à faire. Pour cela il faut commencer par la lecture de ce communiqué : Quand la France fait le jeu des lobbys industriels – daté du 12 octobre 2018 à l’entête de l’Alliance Contre le Tabac. Bizarrement, on ne le trouve pas (ou plus ?) sur l’espace presse du site Internet de l’Alliance. Il m’a fallu des heures pour remettre la main dessus, heureusement je l’ai retrouvé chez la Fédération Française d’Addictologie : ici.

C’est une pièce importante car ce communiqué a marqué le début d’une guerre de tranchées autour des millions d’€ du Fond tabac. 100 millions exactement. Un vrai pactole pour nourrir les organisations anti-tabac. Mais en 2019, le projet de loi de financement de la sécurité sociale a modifié la destination des fonds pour qu’ils soient consacrés à la lutte contre toutes les addictions. Absolument pas d’accord pour qu’on touche à « leur » argent, les anti-tabac ont alors mené une lutte féroce pour dénoncer ce changement de direction. Certains témoins ont été estomaqués par les propos qui ont été tenus dans certaines réunions. Je ne suis pas le seul à avoir eu des échos, il parait que ça a été vraiment sanglant.

Puis, on en a plus entendu parlé… Comme je le précise ci-dessus, il faut même vraiment creuser les archives du web pour retrouver le communiqué de l’Alliance Contre le Tabac qui avait lancé les hostilités.

Bref. La hache de guerre semble donc avoir été enterrée, on n’entend plus l’Alliance Contre le Tabac critiquer la décision du gouvernement concernant la destination des fonds. De là à dire qu’il y a un lien entre cette histoire et le pactole de 4 millions d’€ récupérés par l’Alliance contre le tabac, ce ne serait que pure spéculation. Préciser, comme on me l’a raconté aussi, que tout ce petit monde (ceux qui « donnent » et ceux qui « reçoivent ») se connait depuis des décennies et se croise en permanence dans les réunions et à la cantine du ministère de la santé, se fait la bise pour se dire bonjour… ce serait mesquin. S’imaginer que ces apparatchiks anti-tabac gèrent entre « vieux copains » l’argent de la lutte contre les addictions comme dans des républiques bananières, ce serait méchant.

Personnellement, je ne peux que saluer les résultats et les performances de ces organisations, dont il vrai que je ne connaissais pas l’existence quand j’étais fumeur. J’admire, je découvre ! La France est sur le podium européen en termes de prévalence tabagique, derrière la Grèce et à égalité avec la Bulgarie. Environ 30% de fumeurs. C’est deux fois mieux que l’Angleterre, ces crétins qui osent promouvoir la vape depuis de nombreuses années. Et ne parlons surtout pas des suédois, qui sont à 6 fois moins, c-à-d à peine 5% de fumeurs, il faudrait alors évoquer le SNUS (si vous avez un peu de temps, cliquez sur le lien pour lire, c’est assez flippant).

Satisfactions (quand même)

Je dois avouer que j’ai apprécié de voir que l’association DNF n’a rien reçu cette année. Leur projet « Ma famille sans tabac » a été retoqué. On se demande à quoi ont servi les 25 000€ accordés l’an dernier là-dessus. Ont-ils vraiment aidé à lutter contre le tabagisme, concrètement ? L’année dernière, ils avaient touché aussi 180 000 € pour le projet Terrasses Sans Tabac. Il suffit d’aller sur le site pour constater qu’il y a seulement 50 terrasses inscrites, alors qu’il y a plus de 200 000 restaurants et bistrots en France. Je suis professionnel de la communication, je vends des logo et des sites Internet, ce que j’ai sous les yeux ne vaut pas 180 000 euros, sachant que ce budget n’était qu’une « rallonge », le dispositif existait déjà avant la subvention de l’an dernier. A quoi sert l’argent, où va t-il ? Je rêve du jour où un journaliste d’investigation va aller gratter dans les comptes…

Félicitation à l’association France Patients Expert Addiction qui se voit financer son projet « Patient-experts addictions : développer et sécuriser leur place dans le parcours de soin. » Présidée par Françoise Gaudel que l’on connait bien pour le groupe Je Ne Fume Plus, l’association créée il y a seulement quelques mois début 2019, décroche déjà une subvention !

Oups !

Au fait, d’où vient l’argent du fond addictions ? C’est expliqué ici sur le site du ministère des solidarités et de la santé : Fonds de lutte contre le tabac. Il s’agit d’un prélèvement sur le chiffre d’affaires des fournisseurs de tabac. Sauf que… problème. Il parait qu’ils ne veulent pas payer, une décision de justice vient d’être rendue en faveur d’un industriel.

Alors comment va faire le gouvernement pour sortir tous ces millions promis ? Solution possible et probable : prendre dans la poche du contribuable avec un tour de passe-passe. Moi qui pensait m’être complètement affranchi du matraquage fiscal en arrêtant de fumer (j’ai économisé plus de 8000 € en 6 ans !), et bien c’est raté. Maintenant, je vais financer les anti-tabac. Quelle plaie cette clope, je ne m’en sortirai jamais !

Pour archive :

Le PDF de l’Appel à projets contre les addictions aux substances psychoactives publié le 15 novembre 2019.

Pour rappel : 

Loïc Josseran, le président de l’Alliance Contre le Tabac déclare qu’on a retrouvé de l’antigel dans des e-liquides. C’était cet été en 2019. Alors que les produits sont sûrs et réglementés en France, pourquoi une telle déclaration (fausse) sinon effrayer inutilement la population des fumeurs (qui pourraient essayer le vapotage) ou des vapoteurs (qui pourraient alors retomber dans la cigarette) ?

 

 

 

 

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