De nombreuses femmes se posent la question de l’allaitement de leur bébé lorsqu’elles fument ou qu’elles vapent. Quelques réponses avec Sylvie Scappaticci, infirmière puéricultrice.

J’ai rencontré Sylvie au hasard de mes balades sur le groupe Facebook Vape Info Service. Cet espace « auto-support » est dédié à l’aide aux fumeurs et vapoteurs pour adopter les bonnes pratiques et réussir leur sortie du tabac dans les meilleures conditions avec le vapotage. Ce groupe s’appelait à l’origine Les Vapoteurs MoisSansTabac et il avait été créé par Santé Publique France à l’occasion du Mois Sans Tabac 2017. Malheureusement, malgré les 5000 personnes accueillies et les résultats très positifs (voir enquête menée par SOVAPE), l’expérience n’a pas été reconduite. Le groupe Vape Info Service continue donc son chemin avec plus de 3000 membres, toujours prêts à aider et conseiller 24h/24 et 7 jours sur 7.

Merci à Sylvie Scappaticci de répondre à mes questions. Merci également à Jacques Le Houezec pour son avis en fin d’article.

Quel est ton métier ?

Je suis infirmière depuis 2008 et j’ai suivi une formation pour me spécialiser, je suis donc infirmière puéricultrice depuis 2014. Je travaille en PMI (Protection Maternelle et Infantile) auprès d’un public de parents et leurs enfants de moins de 6 ans. Nos actions sont larges, de la prévention au suivi médical en passant par la protection de l’enfance.

Que fais-tu sur le groupe Vape Info Service ?

Je suis simple membre. J’ai arrêté de fumer il y a un an, le 1er novembre 2018. Une amie m’avait parlé du vapotage et j’avais commencé par m’inscrire sur le groupe Mois Sans Tabac Rhône-Alpes. Là j’ai vu un lien posté par un certain Sébastien qui indiquait le groupe Vape Info Service aux gens qui posaient des questions sur le vapotage. J’avais vraiment besoin de conseils pour les réglages du matériel, les liquides, les taux de nicotine… Et les membres du groupe m’ont beaucoup aidé. Je travaille, j’ai des enfants, alors avoir du monde disponible, le soir, le week-end et même la nuit, c’est formidable !

Et désormais, c’est toi qui conseille ?

Je reste très humble, je ne parle que de ce que je connais. En l’occurence, l’autre jour une jeune maman se demandait si elle pouvait allaiter alors qu’elle vapotait. Je me suis sentie légitime pour lui répondre, la rassurer et lui donner des conseils.

Alors, est-ce que le lait maternel est toxique lorsque l’on fume ou lorsque l’on vape ?

Pour être sincère, lorsqu’on parle d’allaitement et de tabagisme en institut de formation de puéricultrice, on insiste plus sur la question de la nicotine. Je n’en sais pas plus sur la toxicité du tabac fumé. Il y a cependant des études qui ont prouvé qu’au bout de 6 mois d’allaitement exclusif, les bénéfices pour le nourrisson d’une maman fumeuse sont incontestables par rapport au bébé nourrit au lait infantile. Les recommandations de l’OMS vont d’ailleurs dans ce sens.

Donc, il vaut mieux allaiter, même si on fume ?

En fait, c’est plutôt rare qu’une femme qui a réussi à arrêter de fumer pendant sa grossesse reprenne pendant l’allaitement. On parle principalement à des femmes qui ont fumé pendant leur grossesse. Elles sont souvent dans une culpabilité importante de ne pas avoir su s’arrêter et par conséquent peu d’entre elles se dirigent d’emblée vers l’allaitement, de peur de faire « encore plus de mal à leur bébé ». Pour le vapotage, elles se questionnent tout autant. Je les entends souvent dire que leur bébé est en excellente santé après 9 mois de vapotage mais que pour autant, elles n’arrivent pas à trouver un consensus dans leurs recherches qui pourrait leur garantir que la vape « n’est pas toxique à longue échéance ».

On sait aujourd’hui que le tabac pendant la grossesse peut avoir de nombreuses conséquences sur la santé du fœtus. Lorsqu’il s’agit d’allaitement, les études semblent plus se centrer sur la nicotine que sur le reste de substances toxiques contenues dans le tabac. On différencie aussi les « grosses » fumeuses de celles qui fument moins de 5 cigarettes par jour. Pour ma part, étant convaincue que le lait maternelle est toujours ce qu’il y a de mieux pour un nourrisson, je préfère me focaliser sur ses bienfaits plutôt que de chercher en quoi il pourrait contenir des substances toxiques, d’autant qu’aucune étude ne pourrait être concluante si on ne la compare pas au contenu des laits infantiles. Le constat dans ma pratique quotidienne est sans ambiguïté : il ne faut pas que le choix d’allaiter ou non pour une femme soit dépendant de son vapotage ou de son tabagisme

Y’a t-il cependant des précautions à prendre ?

C’est justement ce que j’ai expliqué sur le groupe Vape Info Service. A priori la nicotine est présente dans le lait jusqu’à 4h après la dernière cigarette. Elle diminue progressivement. Souvent les femmes fumeuses produisent moins de lait car la prolactine, hormone qui favorise la lactation est moins présente. On recommande aux mamans d’allaiter à la demande, ce qui veut dire que parfois le nouveau-né va réclamer toutes les heures ou toutes les 2 heures. On sait que plus le nourrisson tête, plus la maman produit du lait. De plus, le lait maternel, comparativement au lait infantile est très digeste. Il suffit d’1h30 pour qu’il soit complètement assimilé. Donc, que l’on fume ou que l’on vape, le conseil est tout simple, c’est de le faire juste après la tétée. Dans tous les cas, ni avant et surtout pas pendant.

Donc, fumeuse ou vapoteuse, on peut allaiter son bébé ?

Oui, il n’y a pas de doute sur la balance bénéfices / risques. Et on fait juste attention de ne pas fumer ou vapoter juste avant ou pendant une tétée.

L’AVIS DE JACQUES LE HOUEZEC

Depuis la conférence de Consensus de 2004 Grossesse et tabac, les recommandations pour les femmes allaitantes n’ont pas changées. Elle stipulent que :

« Les professionnels de la naissance doivent être convaincus de l’importance de leur rôle dans la promotion de l’allaitement (y compris chez les mères fumeuses ou sous traitement substitutif nicotinique) et dans la diffusion d’information sur les aides à l’arrêt du tabac. Ils ont également un rôle actif à jouer afin de prévenir une reprise du tabagisme après l’accouchement chez les femmes fumeuses ayant arrêté le tabac en raison de leur grossesse. »

Tout comme pour la grossesse (cf les recommandations Britanniques traduites en français par le Pr Jean-François Etter), la vape peut être considéré comme un substitut nicotinique à utiliser seul ou en association avec les substituts nicotiniques classiques (principalement les patchs sur 16h chez la femme enceinte) pendant l’allaitement. Le but principal restant de maintenir l’arrêt du tabac chez les mères ayant arrêté de fumer pendant la grossesse, et d’aider celles qui n’ont pas réussi à arrêter durant la grossesse à le faire après l’accouchement.

 

Jacques Le Houezec, nicotine et allaitementJacques Le Houezec – Scientifique et tabacologue. Formations et certification pour les professionnels : www.amzer-glas.com

Avis basé sur les recommandations de la conférence de Consensus de 2004 Grossesse et Tabac. Les recommandations sont toujours disponibles sur Internet : https://www.em-consulte.com/en/article/138466 (voir le chapitre Après la naissance)

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